Au lendemain de l’annonce de la démission d’Antonio Hodgers, Nicolas Walder, 59 ans, est le premier Vert à annoncer sa candidature – à la «Tribune de Genève» et à Léman bleu – pour lui succéder cet automne. Conseiller national depuis 2019, il a siégé au Municipal carougeois de 2007 à 2011, avant de devenir magistrat de cette ville jusqu’en 2020. Entretien.

Vous êtes-vous lassé de Berne?
Pas du tout, mais il y a une opportunité qui ne se présente que rarement, comme il y en a eu une quand j’ai quitté Carouge pour Berne. J’ai envie de devenir conseiller d’État. Je l’avais dit à Antonio Hodgers déjà à la fin de son deuxième mandat, quand il hésitait à se représenter. J’aime être dans un Exécutif, je l’ai été à Carouge, une ville importante. Ça me plaît de travailler avec des équipes et au sein d’un collège. En outre, il y a des défis à relever pour Genève, dans une période instable qui touche directement notre canton.

Lesquels?
Le grand défi consiste à réconcilier la population avec le développement du canton, un travail qui devra se faire avec la révision du nouveau plan directeur qui s’étendra jusqu’en 2050. Il faut en faire un outil partagé par la population, les communes et tous les acteurs, aussi bien économiques que de la société civile. Il doit aussi s’inscrire le mieux possible dans la région.
Car le travail en commun avec les autorités de France voisine est crucial pour gérer le développement de Genève, que ce soit dans le domaine de la mobilité, de l’agriculture, de l’aménagement ou encore de la santé. Avec l’aboutissement des négociations entre l’Union européenne et la Suisse, je suis persuadé qu’on pourra s’appuyer sur de nouvelles relations avec la France, un peu brumeuses ces dernières années.

Pour Antonio Hodgers, l’incapacité des différentes autorités françaises à parler d’une même voix entrave grandement les projets…
Je pars avec une vision neuve et l’objectif de travailler avec tout le monde. On ne résoudra pas les problèmes de développement – trafic, pollution, bruit, etc. – sans travailler de concert avec les autorités françaises et vaudoises. Genève doit aussi renforcer sa présence à Berne, dont les décisions ont un impact important, par exemple le plan d’austérité, qui se fait aussi sur le dos des cantons. Et il faut en particulier y défendre activement la Genève internationale, qui fait l’identité et l’attractivité de notre canton.

Ses détracteurs disent d’Antonio Hodgers qu’il est un bétonneur. Lui défend une densification à même d’ériger une ville des courtes distances. C’est aussi votre ligne?
Je n’ai pas de religion. J’ai été chargé de l’aménagement à Carouge, où on a l’un des quartiers les plus denses du canton, le Vieux-Carouge, dont personne ne songe à dire qu’il n’y fait pas bon vivre. Les tours prévues à l’Étoile ne me dérangent pas en soi, pourvu que les espaces verts soient suffisants. Au vu du réchauffement climatique, il faut revoir l’aménagement des centres urbains pour le rendre le plus supportable possible et il y a encore des plans localisés de quartier d’il y a dix, quinze ans qui peuvent être retravaillés.

Gourmandes en espace, les zones villas offrent cette qualité de vie…
C’est vrai, mais il faut bien loger les gens qui vivent sur notre canton. Pour ne pas faire venir trop de monde, nous devons aussi améliorer les transports collectifs avec la France voisine et Vaud, afin de limiter les nuisances du trafic. Il faudrait un développement rapide du Léman Express. On doit aussi s’interroger sur le développement économique que l’on souhaite et qui draine de nombreux habitants et touristes, en trouvant un juste équilibre. Enfin, il faut aussi amener encore plus de nature en ville, en réorganisant le sous-sol pour arboriser les bordures des routes et en dégrappant le bitume quand cela est nécessaire.

Le Département du territoire se libère, mais il pourrait y avoir des rocades…
Comme Vert, il y a l’enjeu de faire appliquer les lois mises en place par Antonio Hodgers, comme celle sur l’énergie. Mais à Carouge, je me suis aussi occupé de la mobilité et des finances. Je suis la politique internationale à Berne, je préside la faîtière des EMS genevoise (Fegems), toutes les politiques publiques m’intéressent. D’ailleurs, il n’y a pas de quartiers réussis sans structures scolaires et parascolaires ou sans sécurité. L’économie? Il faut davantage diversifier notre tissu économique, car notre dépendance à certains secteurs, dont le trading des matières premières, est risquée, tellement l’ordre économique mondial peut être très vite déstabilisé.

Votre collègue MCG au National Daniel Sormanni affirme que vous n’auriez «aucun courage» et seriez «simplement content d’en être»…
On m’a rarement reproché un manque de courage. Je travaille dans la collaboration tout en portant activement mes projets. Le conflit n’est pas pour moi un moteur, contrairement au MCG qui vit par les outrances.

Antonio Hodgers «descend du train entre deux gares», selon ses termes. Joue-t-il un mauvais tour à son parti? Manque-t-il de respect à ses électeurs?
Je ne veux pas m’exprimer sur ses raisons, car cette fonction peut être épuisante. Peut-être a-t-il été présomptueux en prétendant à un troisième mandat. Quinze ans, c’est lourd, d’autant plus qu’il dirige un département mammouth.
Une complémentaire est plus difficile à gagner qu’une élection générale, mais c’est tout à fait jouable pour le troisième parti du canton! Ce que je retiens, c’est son sain et positif rapport au pouvoir. Lui, qui a connu beaucoup de succès, sert et se retire, plutôt que de s’accrocher. C’est une leçon.

>> L’entretien de Nicolas Walder sur le site de la Tribune de Genève (gratuit, 08.05.2025)