>> Lire le texte de l’intervention au Conseil national (19.06.2025)

De la Californie à la France, en passant par la Norvège, Zurich ou même mon canton de Genève, souffle un vent d’interdiction ou de limitation de l’usage des tondeuses à gazon et des souffleuses de feuilles thermiques. Au-delà des jeux de mots et de l’objet de cette motion que certains qualifient de futile, il est bien question de santé publique, tout autant que de protection de l’environnement.

Chaque printemps, en Suisse, les quartiers et les villages vibrent au son des moteurs de tondeuses thermiques. À l’automne, ce sont les souffleuses à feuilles, souvent encore plus bruyantes, qui, jusqu’au centre des villes, prennent le relais. Qui parmi vous n’a pas été importuné par de telles nuisances qui s’ajoutent à celles du trafic routier, des travaux, des avions et de bien d’autres choses, au point de faire du bruit un problème de santé publique croissant d’année en année ? Tondeuses à essence et souffleuses génèrent pourtant d’autres nuisances importantes : pollution locale et exposition directe à des particules toxiques pour les utilisateurs eux-mêmes, ainsi que pour les riverains, la faune et la flore.
Pour s’opposer au texte, le Conseil fédéral prétend que ces appareils ne génèrent que 0,2 pour mille des émissions de CO2. Or, les effets nocifs sont bien plus réels qu’on ne le pense : à ce jour, une tondeuse à gazon thermique d’ancienne génération peut émettre autant de polluants atmosphériques qu’une voiture sur des centaines de kilomètres, pour une heure d’utilisation seulement. Aux États-Unis, l’Environmental Protection Agency estime que les petits moteurs à essence utilisés pour le jardinage émettent jusqu’à 30 pour cent des polluants atmosphériques liés à la combustion dans les zones urbaines ; un constat alarmant qui a conduit des collectivités publiques à prendre des mesures pour limiter la pollution sonore et atmosphérique.

Ainsi, la ville de Zurich a décidé de limiter l’usage des souffleuses – uniquement électriques – à la période automnale, comme le fait déjà le canton de Genève. En France, depuis quelques jours – le 4 juin -, l’usage des tondeuses à essence est interdit dans 23 départements durant plusieurs heures de la journée. Des communes, dont Paris, l’ont restreint, y compris dans les espaces publics. En Norvège, de nombreuses collectivités locales imposent déjà une transition vers l’électrique pour les prestataires de jardinage. En Grande-Bretagne, des initiatives prônant l’interdiction de la tonte en mai, et ce, pour préserver les pollinisateurs et protéger les fleurs sauvages – particulièrement importants durant ce mois de l’année -, gagnent du terrain. Cependant, c’est en Californie que le cap a été franchi avec l’interdiction totale des ventes et de l’utilisation de ces engins à essence depuis 2024 ; sans pour autant mettre un secteur économique à genoux, comme semble le craindre le Conseil fédéral.

Preuve en est que la transition progressive vers des appareils électriques – désormais matures, fiables et accessibles – est possible, car, contrairement à d’autres domaines, les alternatives existent pour les machines de jardin, tant pour les particuliers que pour les professionnels. Ce n’est pas compliqué de les mettre en place. C’est d’autant moins difficile que la motion stipule explicitement que le Conseil fédéral peut prévoir des accompagnements financiers afin de faciliter l’acceptation de cette mesure par la population.

En dépit de l’objectif simple et atteignable de la motion, qui est de remplacer des machines polluantes par des alternatives propres, silencieuses et disponibles, le Conseil fédéral s’y oppose, car il voit un risque d’entrave au commerce. Or, cette mesure ne vise que les ventes de nouveaux appareils, ce qui laisse le temps d’adapter l’offre et n’affecte pas celles et ceux qui possèdent aujourd’hui un modèle à essence. La date de fin de 2025 envisagée dans cette motion, qui date – je le rappelle – de 2023, peut bien sûr être repoussée à 2027, 2028 ou à quand cela sera possible. Le gouvernement évoque également l’essence alkylée comme solution propre. Or, cette essence n’en reste pas moins un produit fossile qui n’élimine ni les nuisances sonores ni l’exposition des utilisateurs au gaz d’échappement.

De manière générale, il apparaît que les normes en vigueur sur le bruit et la qualité de l’air ne suffisent pas. Elles ne prennent pas en compte les effets cumulatifs de ces appareils dans des quartiers résidentiels de plus en plus densément peuplés. Elles laissent la charge de la preuve et de la plainte aux citoyens. Ce n’est pas une politique proactive qui devrait placer les obligations constitutionnelles de la Confédération, que sont la protection de la santé et la protection de l’environnement, au coeur de cette discussion.

Vous le voyez : cette motion est une opportunité de transition rapide, sans perte économique, sans changement d’habitude brutal pour les citoyens et qui procurerait des bénéfices immédiats – meilleure qualité de l’air, diminution du bruit et réduction concrète, même modeste, de notre dépendance aux énergies fossiles.
Merci de soutenir cette motion en ayant à l’esprit que ce sont bien sûr les petits ruisseaux qui font les grandes rivières, car c’est bien la somme de ces petits gestes qui nous permettra, en définitive, d’atteindre nos objectifs climatiques.