Au lieu de se soumettre docilement aux exigences de Washington, la Suisse doit relever la tête. La Suisse ne peut plus se contenter de l’illusion d’une amitié inébranlable avec les États-Unis. Sous Donald Trump, cette relation est devenue toxique. Et plus Washington frappe, plus le Conseil fédéral se recroqueville dans une diplomatie de soumission.

C’est que, depuis des années, la Suisse a cultivé une image de partenaire économique privilégié des États-Unis. Pour leur plaire, le Conseil fédéral a même choisi le F-35 pour notre défense, malgré son coût exorbitant, ou se refuse à encadrer les dérives des géants de la tech comme le fait l’UE avec son Digital Service Act. Le tout, au détriment de notre sécurité et de la protection de nos données.

Interférence crasse

Aujourd’hui, les États-Unis imposent des tarifs douaniers écrasants, interfèrent dans notre politique intérieure et promeuvent les courants d’extrême droite illibéraux partout dans le monde.

Pourtant, le Conseil fédéral reste comme tétanisé, quand il ne donne pas carrément crédit à l’idéologie de la Maison-Blanche: les applaudissements de la présidente Keller-Sutter aux propos belliqueux du vice-président Vance ou les tentatives de Guy Parmelin de mendier de la compassion à Washington ont été aussi humiliants que vains. Quant aux dirigeants de nos multinationales qui, à Davos, ont salué les attaques de Trump contre la démocratie, leur complaisance est tout aussi choquante.

Face à des tarifs douaniers de 31% – soit 50% plus élevés que pour l’UE! – la tactique de la courbette est à l’évidence inefficace, voire contre-productive. La plupart des autres démocraties, Canada en tête, l’ont bien compris. Face au chantage économique, elles répondent par des contre-mesures musclées.

Et la Suisse, que peut-elle faire? Premièrement, intensifier ses relations avec l’UE, notamment par la ratification rapide des bilatérales III. Car notre continent représente la meilleure protection contre les politiques impérialistes qu’elles soient russes, chinoises ou américaines.

Concertation avec nos alliés européens

Deuxièmement, il faut imposer, en concertation avec nos alliés européens, des contre-mesures ciblées afin de faire mal à l’économie américaine. On pense en premier lieu aux services numériques si opportunément oubliés dans les calculs biaisés de Donald Trump. La Suisse doit également redoubler d’engagement dans les institutions internationales, dont l’ONU, pour contrer les velléités hégémoniques des autocrates, démolisseurs méthodiques des progrès humains, sociaux et environnementaux. Notre pays doit de surcroît développer une stratégie industrielle et économique assurant la sortie rapide des énergies fossiles et orientant nos chaînes d’approvisionnement vers des partenaires fiables garantissant un accès durable aux biens et services stratégiques.

Nous devons aussi, plus que jamais, nous appuyer sur les valeurs des Lumières face à l’obscurantisme trumpien et assurer l’indépendance à nos universités et hautes écoles dans le choix de leurs recherches, qu’il s’agisse du climat ou de genres.

Enfin, nous pouvons toutes et tous agir en revoyant par exemple nos choix de consommation. Partout où il existe une alternative, le boycott des produits américains, bien que de portée symbolique, peut devenir un signal fort de notre volonté de nous affranchir des pressions américaines. 

En affirmant nos valeurs et notre attachement au multilatéralisme, en resserrant nos liens européens et en redéfinissant nos priorités économiques et géopolitiques, nous protégerons notre indépendance.

Nous montrerons que notre souveraineté n’est pas négociable et que notre politique intérieure ne se soumet à aucune ingérence étrangère, qu’elle vienne de Pékin, de Moscou ou de Washington.

>> Lire l’article sur le site de la Tribune de Genève (08.04.2025, gratuit)