«Il faut mettre en échec la politique hostile de Trump»
Pourquoi devrait-on boycotter les produits made in USA?
Nicolas Walder (POUR): Pour mettre en échec la politique de Trump, qui est à la fois unilatérale et hostile à notre égard. Elle met aussi en péril le multilatéralisme cher à la Suisse. Nous devons prendre acte que les États-Unis ne nous considèrent plus comme des alliés et, dès lors, nous en émanciper afin de renforcer notre souveraineté. Si nous réduisons de 2 à 3% notre consommation de produits américains, cela peut faire mal à des marques américaines, qui pourraient se retourner vers l’administration Trump.
Existe-t-il une alternative?
Les Vert·e·s demandent depuis longtemps à la Suisse de développer avec nos partenaires européens une stratégie, notamment industrielle, par exemple en matière de numérique et de transition climatique. Cet affranchissement permettrait de créer des emplois et d’offrir des filières d’approvisionnement plus sûres et vertueuses. Si la politique impérialiste de Trump devait profiter aux Américains, d’autres grandes puissances suivront, tournant définitivement la page du multilatéralisme. La Suisse aurait tout à y perdre.
Dans le monde actuel, il est compliqué d’être conséquent avec une telle décision…
Un boycott à 100% serait irréalisable. Par contre, à chaque fois qu’on y pense et qu’on a le choix, il faudrait privilégier l’alternative non américaine.
Pourquoi ne pas aussi boycotter les articles chinois?
Je le fais aussi autant que possible. Même si cela ne peut pas remplacer des décisions politiques collectives, les citoyennes et citoyens ont un vrai rôle à jouer. Notre conscience en tant que consommateurs peut guider nos choix.
Un boycott des produits américains, ne serait-ce pas contre-productif, quand on sait que McDonald’s utilise de la viande et des pommes de terre suisses?
Si nous remplaçons cette enseigne par une enseigne suisse, cela ne changera pas grand-chose pour nos producteurs, mais participera à faire pression sur Washington pour un changement politique.
Pourquoi n’êtes-vous pas favorable au boycott des produits américains?
Rahul Sahgal (CONTRE): Un pareil boycott risquerait d’aggraver les tensions et d’entraîner des mesures de rétorsion, ce qui, sur le long terme, pourrait être préjudiciable aux deux économies. Il est important de trouver des solutions par l’entremise de la voie diplomatique et du dialogue, plutôt que par des actions qui pourraient dégénérer en guerre commerciale ou nuire aux consommateurs et aux entreprises des deux parties.
Étant donné les propos tenus par Donald Trump et ses changements constants de taxes douanières, ne serait-ce pas un juste retour des choses que de le faire?
Je ne pense pas. Si les commentaires et les politiques du président Trump alimentent une certaine frustration, les représailles par le biais de boycotts peuvent être contre-productives. Il ne faudrait, en outre, pas non plus oublier qu’il est de la responsabilité de la Suisse d’avoir une pluralité de relations commerciales.
Le boycott, ne serait-ce pas un moyen de relancer l’économie locale, ou tout du moins européenne?
Il peut être tentant de penser que le fait de couper les liens avec les produits américains stimulerait les industries locales, mais l’économie mondiale est interconnectée et les entreprises européennes dépendent également du commerce avec les États-Unis. Un boycott pourrait encourager des changements à court terme dans les habitudes d’achat, mais il risquerait aussi de perturber les chaînes d’approvisionnement et l’innovation et, en fin de compte, de faire plus de mal que de bien aux économies locales.
Du côté des consommateurs, ne plus acheter de produits américains, ne serait-ce pas un acte citoyen?
La bonne citoyenneté consiste à contribuer positivement à la société et à favoriser la coopération et le respect mutuel. Cet objectif ne peut être atteint par le biais d’un boycott.
>> Lire l’article sur le site du mensuel générations (01.05.2025, gratuit)