>> Le texte de l’intervention de Nicolas Walder:

Ma minorité à l’article 257 propose simplement de maintenir la position de notre conseil jusqu’à présent. Cette position consiste à renoncer à la proposition du Conseil fédéral d’octroyer au tribunal le droit d’ordonner des prélèvements d’échantillons d’ADN et d’établir un profil d’ADN sur des personnes condamnées si des indices concrets laissent présumer qu’elles pourraient commettre d’autres crimes ou délits à l’avenir.

En résumé, la version du Conseil fédéral que je vous propose de biffer vise à permettre au tribunal de prendre une mesure intrusive – qui est l’établissement d’un profil d’ADN -, de manière préventive, soit sur une base probabiliste. Cette proposition est une porte ouverte vers la généralisation des profils d’ADN dans une perspective de contrôle de la population et de justice probabiliste qui n’est pas souhaitable dans un Etat de droit qui doit garantir l’égalité, la présomption d’innocence et la protection de la sphère privée. Le code de procédure pénale en vigueur admet l’utilisation des profils d’ADN dans une perspective répressive. On prélève et analyse l’ADN de M. X afin d’établir ou non son lien avec l’affaire pour laquelle il est prévenu.

Dans cette révision du code de procédure pénale, nous avons déjà fait un premier écart, à l’article 257. Celui-ci admet désormais que de l’ADN puisse être prélevé sur un prévenu s’il est considéré comme susceptible d’avoir commis un crime autre ou un délit autre que celui pour lequel il est prévenu. C’est évidemment un premier pas très intrusif que nous regrettons, mais qui consiste néanmoins à aider à élucider un crime ou un délit.

Avec l’article 257 proposé par le Conseil fédéral, désormais soutenu par la majorité de notre commission, on irait encore plus loin, en suivant là une orientation véritablement probabiliste de la justice. On prélèverait de l’ADN non plus sur le fondement du soupçon d’un crime commis, mais sur celui d’un crime ou d’un délit qu’un prévenu serait susceptible de commettre à l’avenir, même si cela n’a rien à voir avec l’enquête en cours.

Cette logique probabiliste n’est pour moi pas suffisante pour légitimer une action si intrusive et elle paverait la voie à un fichage généralisé.
Par ailleurs, cette procédure pourrait donner lieu à des discriminations, sachant que les décisions d’établir un profil d’ADN préventivement se prendront non seulement en fonction du profil psychologique de la personne, mais également en fonction de critères socioculturels ou socioéconomiques. Il est dès lors très important que l’usage de l’établissement d’un profil d’ADN se limite à des personnes coupables ou concrètement suspectées d’un crime ou d’un délit d’ores et déjà commis et qu’on n’instaure pas une justice probabiliste qui pourrait conduire aux pires dérives si elle était appliquée comme base de mesures sécuritaires. Souvenez-vous de l’affaire des fiches ou, plus récemment, de certaines collectes de renseignements intrusives et surtout totalement injustifiées.

Je vous invite dès lors à suivre ma minorité pour garantir une justice qui s’en tient aux faits.