«L’initiative de l’UDC « Pas de Suisse à 10 millions! » est une imposture politique, doublée d’une grande tartuferie»
Avec son nombre record d’intervenant.e.s sur deux jours de session, l’initiative de l’UDC «Pas de Suisse à 10 millions!» a laissé un Parlement clairement divisé, l’UDC se battant seule, échouant à obtenir le soutien de toutes les autres formations.
>> Lire le texte de l’intervention en plénum (22.09.2025)
Disons-le sans détour: l’initiative « Pas de Suisse à 10 millions ! », prétendument « pour la durabilité », est une imposture politique, doublée d’une grande tartuferie. Son intitulé évoque la maîtrise démographique et la protection de l’environnement, mais, en réalité, elle ne garantit ni l’une ni l’autre. Ce texte ne fixe pas une limite contraignante à la population, mais uniquement aux permis stables et durables. Il exclut de son champ les permis précaires, les frontaliers, les touristes. Par ailleurs, ce texte ne s’attaque ni aux causes réelles de la surconsommation des ressources ni à notre empreinte carbone. Il ne parle pas de transition énergétique ni de préservation de la biodiversité. Autrement dit, cette initiative prétend résoudre des problèmes en ciblant les mauvaises personnes, avec les mauvais outils, et pour de mauvaises raisons.
C’est une illusion, mais une illusion dangereuse, car derrière un vernis écologique, hypocrite et opportuniste se cache une offensive politique brutale, qui fragilisera notre société, notre économie et notre cohésion nationale. Ce sont les classes moyennes, les aînés, les jeunes en formation, les PME, bref, toutes celles et tous ceux qui font la Suisse au quotidien, qui en payeront le prix fort. En remettant en cause la libre circulation des personnes, cette initiative attaque frontalement les fondements de notre économie. Elle vise celles et ceux qui soignent dans nos EMS, qui nous nourrissent, qui construisent nos infrastructures, qui enseignent, qui innovent, qui payent leurs impôts ici. Limiter drastiquement l’accès à des permis durables, c’est se priver d’une main-d’oeuvre qualifiée indispensable, et aussi forcer des milliers de travailleurs à basculer dans la précarité. C’est ouvrir la porte au travail au noir, à l’exploitation, aux abus. Ce sera une aubaine pour les employeurs sans scrupules, un cauchemar pour l’État de droit et un poison pour la cohésion sociale.
Remise en question des bilatérales
Ce sera aussi un coup d’arrêt au dynamisme de nos entreprises, et ce bien avant l’échéance de 2050. Aujourd’hui, plus de 50 pour cent de nos exportations vont vers l’Union européenne. Pour nos PME, ce chiffre grimpe à 90 pour cent. C’est grâce à la voie bilatérale choisie dès 1999 par notre pays et largement soutenue par notre population que nous avons une telle réussite. Rompre avec la libre circulation, c’est déclencher mécaniquement et dès maintenant la remise en question de tous les accords bilatéraux. Ce n’est pas une vague menace hypothétique ; c’est une froide réalité juridique. Cela signifie l’accès restreint aux marchés européens, la perte de compétitivité, les pénuries d’approvisionnement, et, à terme, le recul inéluctable de notre souveraineté économique que nous nous efforçons de défendre sans relâche dans cette enceinte même. Croire que la Suisse pourra s’en sortir en se tournant vers les États-Unis, la Chine ou les Émirats arabes unis, c’est se nourrir d’illusions. Ces pays ne sont ni fiables, ni proches, ni ouverts de manière équitable à nos intérêts.
Division de la société
Nous ne savons pas si cette initiative freinera la croissance démographique, mais une chose est sûre : elle freinera notre prospérité avant même son entrée en vigueur, et certainement pas de manière cohérente. Les multinationales qui peuvent délocaliser continueront à prospérer, bien sûr, mais ce sont nos PME, nos services de proximité, nos filières de formation qui seront asphyxiés. Ce sont nos concitoyens, ici en Suisse, qui paieront le prix d’une économie privée de débouchés, d’un marché du travail déstabilisé, asséché, et d’un modèle de prospérité sacrifié sur l’autel d’une idéologie jusqu’au-boutiste.
Il ne faut pas s’y tromper : cette initiative s’inscrit dans la lignée des populismes d’extrême droite qui se répandent ailleurs, avec leur cortège de fausses promesses et de vraies divisions. Comme le trumpisme aux États-Unis, elle prétend reprendre le contrôle sur la migration, mais elle sème en réalité le chaos – le chaos économique, le chaos institutionnel, le chaos social. Elle nous coupe de nos voisins, elle s’attaque à nos valeurs humanistes, elle piétine nos engagements internationaux, elle floute l’avenir de nos PME et elle alimente la peur au lieu de proposer des solutions.
Mesdames et Messieurs, ce texte prétend protéger la Suisse ; la crue réalité est qu’il l’isole, l’appauvrit et la fragilise. Alors ensemble, recommandons le rejet de ce texte de l’UDC et rejetons tout contre-projet qui menace la stabilité, la prospérité et la cohésion sociale qui ont fait et font toujours la force de la Suisse.