«Soutenir la politique d’État hôte de la Suisse, c’est investir dans la stabilité du monde»
>> Lire le texte de l’intervention en plénum (19.09.2025)
Le multilatéralisme traverse aujourd’hui une crise politique profonde, à la fois structurelle et conjoncturelle. Depuis plusieurs années, nous assistons à une montée en puissance des régimes autocratiques et des mouvements populistes, qui remettent ouvertement en cause les fondements de l’ordre international fondé sur un droit commun. Ces tendances se retrouvent au sein même du Conseil de sécurité, avec la Chine et ses principes d’ingérence et de souveraineté absolue, avec la Russie et sa politique impériale expansionniste et, bien sûr, avec les États-Unis et leur désengagement massif ainsi que leurs coups de boutoir tous azimuts contre le multilatéralisme et les droits fondamentaux. Tous violent massivement les principes du droit international, que ce soit au Tibet, en Ukraine ou à Gaza.
Cette dynamique politique et budgétaire contribue à affaiblir la stabilité des institutions internationales. Cela a des répercussions directes sur la présence d’organisations internationales en Suisse, qui subit une concurrence de plus en plus féroce, car face à des choix budgétaires drastiques, certains acteurs s’interrogent sur le maintien de leurs activités en Suisse, tandis que d’autres sites, notamment en Asie ou au Moyen-Orient, proposent des conditions plus avantageuses. L’écosystème unique qui fait la force de la Suisse – ce que certains appellent un « biotope international » – est aujourd’hui clairement menacé. Or, il ne s’agit pas seulement d’enjeux symboliques ou de prestige. Il s’agit d’un instrument concret de paix, de coopération et de régulation à l’échelle mondiale.
Parfaite cohérence
C’est dans ce contexte exigeant et instable que le Conseil fédéral a adopté, le 20 juin 2025, le message concernant les mesures à mettre en oeuvre pour renforcer le rôle de la Suisse comme État hôte pour la période 2026 à 2029. Il propose au Parlement de renouveler son engagement en faveur de la présence internationale en Suisse, avec un plafond de dépenses de 122,6 millions de francs. Ce soutien n’est pas un luxe. Il est en parfaite cohérence avec la stratégie de politique extérieure 2024-2027 de la Suisse, dont le renforcement du multilatéralisme constitue l’un des axes majeurs.
En tant qu’État de taille modeste, notre pays, dépositaire des Conventions de Genève, dépend fondamentalement du respect du droit international et du bon fonctionnement du système multilatéral. Il ne s’agit donc pas d’une posture altruiste que l’on peut laisser au bon vouloir des cantons, mais bien d’une nécessité vitale pour notre sécurité, notre prospérité et notre influence dans le monde. C’est pourquoi la Commission de politique extérieure de notre conseil a salué le message du Conseil fédéral, qui consiste à pérenniser notre position et à attirer de nouveaux acteurs, et s’y est largement ralliée. Nous sommes conscients du fait que le rôle d’État hôte est un atout stratégique pour notre politique étrangère, mais également un moteur économique qui participe à l’attractivité de notre pays. Les retombées sont estimées à plusieurs milliards de francs, puisque des emplois qualifiés et contribuant à la réputation de la Suisse comme centre de dialogue et de négociation sont générés.
C’est ainsi que la commission de notre conseil a soutenu le projet qui vous est soumis, par 15 voix contre 9. Deux minorités se sont toutefois exprimées. La proposition de minorité I (Portmann), soutenue par la majorité de la Commission des finances, vise à réduire le plafond de crédit à 103,8 millions de francs, soit le montant figurant dans le précédent message. Elle estime que les cantons, notamment Genève, devraient assumer une part plus importante de l’effort.
La proposition de minorité II (Molina) défend une hausse de 30 millions de francs, considérant que les moyens prévus sont encore insuffisants au regard des défis considérables auxquels fait face la Genève internationale. La majorité de la commission a rejeté ces deux propositions par, respectivement, 14 voix contre 10, et 16 voix contre 8, en considérant que le projet du Conseil fédéral répondait aux enjeux et était en position de recevoir le soutien d’une majorité de nos deux Chambres.
Efforts du canton de Genève reconnus
En rejetant la minorité I (Portman), la majorité de la commission de notre conseil a considéré qu’il appartenait en premier lieu à la Confédération de soutenir la politique d’État hôte. Elle a aussi tenu compte des efforts financiers importants déjà fournis par le canton de Genève, comme nous l’a rappelé la conseillère d’État Nathalie Fontanet lors de son audition le 26 août dernier.
Soutenir la politique d’État hôte, c’est investir dans la stabilité du monde et le rayonnement de notre pays. C’est choisir d’agir plutôt que de subir. C’est défendre un ordre international fondé sur le droit, le dialogue et la coopération. En votant en faveur de ce crédit, vous renforcez la position de la Suisse sur la scène internationale et envoyez un signal clair à la communauté mondiale : notre pays reste un acteur engagé, crédible et proactif du multilatéralisme.
Au nom de la majorité de la Commission de politique extérieure, je vous invite à soutenir ce projet, tel qu’il est proposé par le Conseil fédéral.