La Commission des affaires juridiques s’est penchée, le 10 novembre passé, sur la proposition de ratification de la Convention no 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. Nous avons également pris connaissance ce même jour de la Déclaration du centenaire de l’OIT sur l’avenir du travail.

En ce qui concerne la Convention, une large majorité de notre commission vous propose, par 16 voix contre 7 et 2 abstentions, d’entrer en matière et, avec la même majorité, de soutenir cette ratification sans condition. La position de la majorité de notre commission est similaire à celle de notre commission soeur du Conseil des Etats, qui avait aussi largement approuvé l’entrée en matière sur cet objet. Malheureusement, le Conseil des Etats a finalement décidé à une courte majorité, le 19 septembre 2022, et pour des raisons qui sont difficilement compréhensibles, de refuser l’entrée en matière.

Pour la majorité de notre commission, le soutien de la Suisse à la Convention no 190 de l’OIT est au contraire très important. Il s’agit en effet du premier traité international visant à créer un cadre commun pour la prévention et l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. Cette convention s’inscrit donc pleinement dans l’objectif de développement durable de l’ONU no 8 relatif au travail décent.

La convention prévoit toute une série de mesures que les Etats doivent mettre en oeuvre, notamment l’interdiction et la prévention de la violence et du harcèlement, l’application de sanctions, ainsi que l’accès à des moyens de recours et de réparation pour les travailleuses et travailleurs victimes de violence et de harcèlement. Cette convention contribuera donc activement à l’effort collectif des Etats de créer un niveau de protection élevé contre la violence et le harcèlement au travail. Et cela doit être salué.

La ratification de cette convention joue de plus un rôle positif pour la Suisse sous l’angle de sa politique extérieure. Cela permettra de confirmer au niveau international que notre pays remplit effectivement les exigences en la matière et de confirmer son engagement en faveur des objectifs de développement durable de l’ONU. Une fois ratifiée par la Suisse, cette convention pourra nous servir dans le cadre de négociations internationales et bilatérales. Il sera ainsi plus facile pour notre pays d’obtenir de nos partenaires commerciaux qu’ils s’engagent à réduire le différentiel économique qui pénalise aujourd’hui les entreprises suisses en matière de conditions de travail. Il faut également souligner ce qui nous a été confirmé à plusieurs reprises par l’administration: cette ratification n’entraînera aucun besoin d’adaptation législative.

De fait, nos textes et dispositions qui règlent la protection des travailleurs, que ce soit la Constitution, le code civil, le code des obligations, la loi sur le travail, son ordonnance 3, les conventions collectives, le code pénal ou la jurisprudence du Tribunal fédéral, tous remplissent déjà pleinement les exigences de cette convention.

C’est pour toutes ces raisons que la ratification de la Convention 190 est soutenue par l’ensemble des partenaires sociaux. Car tant le message que la proposition de ratification ont été soumis pour examen à la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT, constituée de représentants de l’administration, des travailleurs et des employeurs, dont l’Union patronale suisse et l’Union suisse des arts et métiers. Toutes et tous soutiennent la ratification de cette convention.
Malgré ces assurances et cette belle unanimité, une minorité de la commission propose de ne pas entrer en matière en s’appuyant sur divers arguments. Un premier argument consiste à considérer que, la législation suisse allant déjà au-delà des exigences de la Convention 190, il n’est pas nécessaire de la ratifier. D’autres, au contraire, évoquent leurs doutes sur le fait que la Suisse remplirait déjà toutes ses obligations en matière de respect des droits des travailleurs. Ils considèrent que, vu ces incertitudes, il aurait été nécessaire de mener une nouvelle consultation avant de pouvoir procéder à cette ratification.

La majorité de notre commission estime que les traités internationaux de l’OIT ont un caractère particulier, parce que les partenaires sociaux sont directement impliqués dans les négociations des conventions. D’autant plus que, en Suisse, les conventions de l’OIT sont soumises pour consultation à la Commission tripartite pour les affaires de l’OIT. Dès lors, cela justifie pleinement de se passer d’une nouvelle consultation, qui n’apporterait pas d’éléments foncièrement nouveaux, tout en retardant inutilement cette importante ratification.

C’est pourquoi notre commission, par 16 voix contre 7 et 2 abstentions, vous invite, comme les partenaires sociaux, à entrer en matière et à soutenir l’adoption de l’arrêté fédéral portant approbation de la convention no 190 de l’OIT qui vous est soumis aujourd’hui.

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