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Le 4 juin 2024, notre conseil a décidé, par 117 voix contre 76 et 2 abstentions, de transmettre la motion Zuberbühler pour examen préalable à notre Commission de politique extérieure. Celle-ci l’a minutieusement examinée lors de sa séance du 1er juillet 2024 et, par 14 voix contre 11, la commission vous propose aujourd’hui de la rejeter.

La majorité de la commission est convaincue que, vu la situation catastrophique actuelle vécue par les quelques 2 millions de Gazaouis et l’absence d’alternative crédible à l’UNRWA, l’arrêt immédiat de son financement entraînerait un coût humain totalement disproportionné, ce d’autant plus qu’aucune accusation de lien avec une organisation terroriste n’a, à ce jour, pu être étayée à l’encontre de l’UNRWA. Par ailleurs, comme l’a confirmé le Département fédéral des affaires étrangères devant notre commission, un arrêt brutal des activités de l’UNRWA aurait potentiellement des conséquences déstabilisatrices importantes dans toute la région.

La minorité de la commission considère, quant à elle, que l’UNRWA fait l’objet de graves accusations s’agissant de sa proximité avec des organisations terroristes. Selon elle, le rapport d’enquête indépendant de l’ancienne ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna, n’a pas permis d’infirmer ces accusations.

La majorité considère, au contraire, que cette motion va beaucoup trop loin et qu’elle est si radicale qu’elle pourrait isoler la Suisse. Ce texte, en effet, ne vise pas à soutenir des réformes ou même à rechercher une solution alternative avec nos partenaires, mais vise à suspendre immédiatement les contributions financières à l’UNRWA en veillant à ce qu’elle n’en bénéficie plus à l’avenir. La Suisse serait ainsi le seul pays occidental à renoncer définitivement à soutenir cette agence onusienne, née en 1949 de la volonté de l’Assemblée générale de l’ONU, agence dont le mandat est de fournir une aide humanitaire et une protection aux réfugiés palestiniens en attendant une solution durable. Son mandat a été renouvelé en 2023, faute d’avancées politiques dans la résolution du conflit israélo-palestinien.

Après les suspensions décidées au lendemain des actes sanglants du 7 octobre, et suite au rapport Colonna blanchissant l’UNRWA des accusations auxquelles elle faisait face, tous les pays ont repris leur financement, à l’exception des Etats-Unis, en raison du blocage des « Trumpistes » au Congrès. Vu la situation à Gaza, plusieurs donateurs importants, comme l’Union européenne, ont même décidé d’augmenter leurs contributions.

Sur le fond, la majorité de notre commission partage sans ambiguïté les objectifs affichés par l’auteur de cette motion, à savoir que la Suisse ne soutienne ni l’antisémitisme ni le terrorisme et qu’elle redevienne une véritable médiatrice de paix dans la région. La Suisse doit appliquer la tolérance zéro dans ses programmes de coopération face à l’antisémitisme, ainsi que sur son territoire, en réagissant fermement contre toute personne ou tout groupe tenant des propos antisémites ou arborant des symboles nazis. Il en va de même avec le terrorisme. C’est pourquoi chaque accusation est prise très au sérieux par l’administration. Elle n’a d’ailleurs pas hésité à suspendre ses contributions à l’UNRWA jusqu’à ce que le rapport Colonna vienne confirmer que les accusations n’étaient pas étayées. Enfin, notre commission partage l’avis de l’auteur de la motion qu’il est important, pour la Suisse, d’être un partenaire crédible et engagé pour la paix dans la région. Pour cela, il faudra veiller à maintenir un financement adapté aux enjeux de la coopération internationale et veiller à soutenir un réseau diplomatique étendu. Mais pour être un véritable partenaire de paix, notre pays se doit aussi d’adopter une position objective et impartiale dans le conflit israélo-palestinien, avec pour seule boussole le respect du droit international.

La majorité de notre commission a aussi considéré qu’en tant que membre de l’ONU, et en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, la Suisse se devait d’avancer dans un cadre multilatéral. C’est pourquoi elle considère plus judicieux que les réformes éventuellement nécessaires au sein de l’UNRWA, et plus largement la question du statut des réfugiés palestiniens et de l’aide qui leur est octroyée, soient envisagées en collaboration avec la communauté internationale et non pas de manière isolée. Elle a confirmé cela en déposant la motion 24.3815, « Pour une réforme de l’aide aux réfugiés palestiniens », qui sera traitée tout à l’heure.

Comme évoqué en préambule, la raison principale du rejet de cette motion par notre commission est que l’UNRWA est aujourd’hui la seule agence en mesure d’apporter une assistance et de porter les programmes de santé et d’éducation aux Palestiniennes et Palestiniens qui vivent des heures tragiques. Un arrêt brutal et définitif de son financement aurait des conséquences dramatiques sur les millions de civils, dont de nombreux enfants, alors que la guerre fait toujours rage. Cela aurait également des conséquences sur la crédibilité de notre neutralité. C’est pourquoi je vous invite, au nom de la majorité de notre commission, à rejeter cette motion.