>> Le texte de l’intervention de Nicolas Walder:

Avec son économie ouverte au commerce et aux flux de capitaux, la Suisse est fortement exposée aux turbulences du système monétaire international et des marchés financiers. Les soubresauts mondiaux et régionaux dudit système peuvent avoir des effets directs sur les taux de change du franc suisse, sur la stabilité financière et sur la conjoncture dans notre pays. Toutes les Suissesses et tous les Suisses le vivent d’ailleurs au quotidien dans leur portemonnaie depuis l’éclatement de la pandémie de Covid-19 et à plus forte raison de la crise ukrainienne. Pour notre économie en relation étroite avec le commerce et les marchés financiers à l’échelon international, l’engagement de la Suisse en faveur d’un système monétaire mondial stable et fonctionnel est donc indispensable.

L’arrêté fédéral qui vous est soumis aujourd’hui a justement pour objectif de participer aux nécessaires corrections et rééquilibrages de notre système financier et monétaire globalisé. Il y a un mois, notre Commission de politique extérieure s’est penchée sur le présent arrêté du Conseil fédéral qui propose, sur la base de la loi sur l’aide monétaire, de renouveler un crédit d’engagement de 10 milliards de francs en vue de la poursuite de l’aide monétaire internationale pour une période de cinq années supplémentaires, soit jusqu’en 2028.

La loi sur l’aide monétaire autorise la Confédération à octroyer des aides monétaires internationales sous forme de prêts, de garanties et de contributions à fonds perdu. Il arrive en effet que la Suisse accorde des prêts à certains Etats avec lesquels elle collabore de manière particulièrement étroite en matière de politique monétaire et économique, par exemple, les Etats se trouvant dans son groupe de vote au FMI. Toutefois, pour pouvoir en faire usage, il est nécessaire que l’Assemblée fédérale approuve préalablement un crédit d’engagement. Le présent arrêté concrétise donc l’autorisation légale d’octroyer ces aides monétaires internationales.

Le Conseil fédéral propose dans cet arrêté de conserver le même montant de 10 milliards de francs qui avait déjà été approuvé par le Parlement en 2013 et renouvelé en 2017 pour une échéance en avril 2023. Le consentir pour cinq années de plus ne constitue donc rien de nouveau, si ce n’est qu’on ne parle plus aujourd’hui de « crédit-cadre » mais de « crédit d’engagement ». Il faut préciser que cette ligne de crédit est le troisième pilier de l’engagement au sein du FMI. Volontaire, il complète le premier pilier qui consiste en des quotes-parts – soit des contributions ordinaires – et le deuxième qui est constitué des nouveaux accords de crédit. Ce troisième pilier concerne donc les prêts bilatéraux qui ne servent que comme réserve d’urgence, utilisée en cas de crise majeure.

Réunie le 2 mai 2022, votre Commission de politique extérieure a soutenu ce projet d’arrêté à l’unanimité, par 24 voix contre 0. Ce projet avait déjà été accepté, également à l’unanimité, par 38 voix contre 0, le 16 mars dernier par le Conseil des Etats.

C’est forte de son statut de membre du FMI et de son poids au sein du système financier international que la Suisse participe activement au dispositif de coopération monétaire. Il est dans son intérêt, en tant qu’économie ouverte et dynamique disposant de sa propre monnaie et d’une place financière d’importance internationale, de faire partie de ce filet de sécurité mondial. Si les membres de la commission se sont montrés unanimes dans leur volonté de prolonger ces dispositions d’aide monétaire, au-delà des expériences concluantes des années passées, c’est aussi parce que les risques sont limités. De nombreux membres se sont en effet inquiétés des risques de non-remboursement des prêts, particulièrement dans la situation de l’économie actuelle et du surendettement de nombreux Etats suite à la pandémie et maintenant à l’invasion de l’Ukraine. Toutefois, le multilatéralisme et la coopération monétaire et financière internationale restent les meilleures garanties d’une certaine stabilité. S’en passer reviendrait à faire courir bien plus de risques à la Suisse, d’autant plus qu’il n’y a à ce jour pas eu de pertes à déplorer pour notre pays.

Il a également été relevé qu’outre le fait d’assurer la stabilité du système, les prêts restent indispensables à de nombreux Etats pour faire face à des situations de crise. On a bien sûr déploré la spirale dans laquelle s’enferment de nombreux pays, qui sont étranglés par les dettes, ainsi que les ajustements structurels injustes et contre-productifs imposés par le FMI. Mais force a été de constater que le soutien à cet arrêté restait à court terme le meilleur moyen de limiter les risques d’insolvabilité pour de nombreux pays qui, suite à la pandémie, se retrouvent en situation de défaut de liquidités. Participer à cet outil de défense de l’équilibre mondial est d’autant plus important en ces temps de crise des céréales, qui obligera de nombreux pays à s’endetter encore plus, ne serait-ce que pour maintenir le prix des denrées de base abordables pour leur population.

Pour toutes ces raisons, votre Commission de politique extérieure vous invite à l’unanimité à soutenir cet arrêté, qui permettra à la Suisse d’assumer sa part de responsabilité dans la stabilisation de la situation financière et monétaire internationale.