Notre minorité propose de donner suite à l’initiative parlementaire de notre collègue Fehlmann Rielle, car il est selon nous nécessaire pour la Suisse de combattre avec davantage d’efficacité la criminalité, y compris la criminalité en col blanc. Malheureusement, les valeurs patrimoniales d’origine illicite placées en Suisse constituent encore et toujours un problème considérable pour la réputation de notre place financière; ces avoirs, rappelons-le, proviennent entre autres du détournement de fonds publics dans des Etats étrangers et d’affaires de corruption.

Pourtant, avec l’entrée en vigueur en 2016 de la loi sur les valeurs patrimoniales d’origine illicite (LVP), notre pays s’était fixé comme objectif d’identifier et de bloquer ces fonds d’origine illicite. L’intention était d’une part de pouvoir restituer l’argent détourné aux populations de pays concernés, d’autre part d’améliorer la réputation de notre pays et de sa place financière.

Comme notre collègue Fehlmann Rielle nous l’a rappelé, les révélations dénonçant des affaires de blanchiment d’argent et de corruption n’ont cessé de se succéder au cours des dernières années, à l’instar des Paradise Papers, des Panama Papers, ainsi que des nombreuses affaires de moindre ampleur, qui occupent bien trop souvent les médias, des affaires qui montrent que de telles pratiques, souvent illégales et toujours immorales, sont encore très répandues à travers le monde, et que ces détournements transitent encore beaucoup trop souvent par notre pays. Il s’agit d’une publicité dommageable pour notre place financière et ses intenses activités de services et de conseils financiers. Notre place financière n’a pas besoin de cette publicité.

Pour notre minorité, compte tenu de la responsabilité particulière que porte notre pays dans ce contexte, il est grand temps de le doter d’un corpus législatif à même de dissuader voire de corriger ces dérives. C’est ce que vise l’initiative qui vous est soumise ici, dont l’objectif est de faciliter la procédure de confiscation des fonds en possession des dirigeants politiques issus de régimes autoritaires et ne respectant pas les droits humains.

Ainsi, la Suisse ne sera plus, comme dans de trop nombreuses situations encore, dans l’incapacité d’agir, alors qu’il apparaît évident que certains avoirs déposés chez nous par des personnalités politiquement exposées ont été acquis de manière illicite. Aujourd’hui, notre loi sur les valeurs patrimoniales ne s’applique que dans des situations exceptionnelles, par exemple lors d’un brusque changement de régime politique, pour autant que le pays d’origine dépose une demande d’entraide pénale. Dans un tel cas, et pour autant que la situation réponde à des critères stricts, l’article 15 LVP concernant la présomption d’illicéité prévoit un renversement du fardeau de la preuve, au même titre que le prévoit l’article 72 du code pénal lorsqu’on est en présence d’organisations criminelles ou terroristes.

Forts de ce constat, nous considérons que la marge de manoeuvre de la Suisse pour agir est aujourd’hui trop restreinte et peu cohérente avec les objectifs affichés. Le rapport d’évaluation des stratégies de restitution d’avoirs illicites réalisé par le Contrôle fédéral des finances, sur lequel s’appuie cette initiative arrive à la même conclusion: la Suisse ne dispose pas aujourd’hui d’un système législatif cohérent pour traiter les affaires de blocage et de restitution de biens d’origine douteuse ou illicite. Cette initiative vise donc simplement à repenser certaines dispositions de la loi et du code pénal afin de couvrir plus largement les cas de fonds illicites placés en Suisse.

Concrètement, le texte prévoit, d’une part, que la loi s’étende aux cas de l’entraide pénale internationale où la demande par l’Etat concerné n’est pas faite, mais où l’origine illicite des fonds est considérée comme probable. D’autre part, il prévoit que l’article 72 du code pénal soit étendu aux potentats coupables d’enrichissement illicite. Il s’agit ici de mettre à leur charge l’administration de la preuve de l’origine licite de leurs avoirs, comme c’est le cas pour les organisations criminelles et terroristes.

Notre minorité estime que cette initiative mérite d’être soutenue, d’autant plus qu’elle est en première phase de traitement et qu’il appartiendra au département de nous proposer, au besoin, des adaptations législatives qu’il jugerait plus adaptées que celles évoquées pour atteindre les objectifs énoncés. Il convient aujourd’hui de signifier au Conseil fédéral notre volonté de renforcer notre crédibilité en matière de lutte contre les avoirs illicites et criminels et ainsi de défendre l’application du droit international et de redorer l’image de notre pays et de notre place financière, éclaboussée par une succession de scandales.
C’est pourquoi je vous invite à suivre notre minorité.

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