Le texte de l’intervention: 

L’initiative parlementaire Stamm a été déposée en 2017 déjà. Elle demande simplement de modifier la loi afin de permettre aux personnes qui se marient et qui le souhaitent de porter un double nom.
Depuis l’instauration du nouveau droit du nom entré en vigueur en 2013, l’article 160 du code civil ne permet en effet plus aux époux de mettre en évidence leurs liens matrimoniaux en portant officiellement un nom composé. Ils n’ont d’autres possibilités, lors de la célébration d’un mariage civil, que de garder leur nom respectif ou d’opter conjointement pour l’un des deux noms de célibataire. Si, sur base du droit coutumier, il reste possible de former un nom dit d’alliance, celui-ci n’a pas de valeur légale.

Avec son initiative, notre collègue Stamm avait bien compris ce qui est maintenant une évidence: la révision de 2013 était une erreur. Elle partait du principe que les mariés allaient garder chacun leur nom de célibataire. Or, il s’est avéré que, devant l’impossibilité d’opter pour un double nom, ce sont dans 75 pour cent des cas les femmes qui ont abandonné leur nom de célibataire, car le souhait d’une majorité des couples mariés est d’avoir un nom commun de famille pour eux et leurs enfants.

C’est ainsi que les deux Commissions des affaires juridiques ont décidé de donner suite à l’initiative Stamm. Par la suite, entre 2021 et 2022, notre Commission des affaires juridiques s’est réunie à trois reprises pour traiter ce projet avant de décider le lancement d’une consultation large sur le sujet.

Dans sa séance du 2 février 2023, la commission a pris connaissance des résultats de la consultation et pris acte des souhaits des nombreux milieux consultés. Elle a alors opté pour la solution élargie et pris acte que l’intégration du nom de l’enfant dans le projet avait elle aussi été plébiscitée.

Pour plancher sur la question, elle a décidé alors, par 19 voix contre 5, d’instituer une sous-commission de six membres. A l’issue de ces quatre réunions tenues en 2023, la sous-commission, présidée par notre collègue Marti Min Li, a proposé à l’unanimité à la commission de notre conseil le projet qui vous est aujourd’hui soumis. Notre commission s’est prononcée en octobre 2023, par 14 voix contre 10 et 1 abstention, en faveur de ce projet.

Concrètement, la révision proposée élargit les possibilités du port du nom afin de permettre à chaque époux de former un double nom officiel après le mariage. Les époux pourront décider d’adopter un double nom indépendamment l’un de l’autre. Les enfants de parents mariés et non mariés pourront porter un double nom formé à partir du nom des parents, si ces derniers le souhaitent. Les possibilités existantes restent sinon essentiellement inchangées. A l’avenir, il sera donc toujours possible pour les deux époux de garder leur nom de célibataire ou de choisir un nom commun.

S’agissant du droit transitoire, la commission de notre conseil vous propose d’ouvrir la possibilité aux personnes déjà mariées ou vivant déjà en partenariat enregistré, ainsi qu’aux enfants mineurs de parents mariés ou non mariés, de former a posteriori, au moyen d’une simple déclaration, un double nom conforme au droit.

Une minorité Addor propose de ne pas entrer en matière sur le projet qui vous est soumis, estimant qu’il va bien au-delà des objectifs poursuivis par l’initiative parlementaire. Cette minorité fait remarquer que la grande solution proposée entraînerait de nombreux problèmes en ce qui concerne l’importance du nom pour l’identité d’une personne. La majorité réfute catégoriquement cet argument: la solution proposée, au contraire, répond pleinement aux aspirations identitaires diverses de la population. Elle permettra de répondre aux demandes des parents de pouvoir inscrire, dans leur nom commun, une part de l’identité de chaque époux.

La minorité Addor est en outre d’avis que le projet présente une complexité qui rend impossible une application judicieuse dans la pratique. Notre majorité réfute aussi l’argument de la complexité, qui n’est que théorique. En effet, même l’Association suisse des officiers de l’état civil, qui sera celle qui aura à appliquer ces réformes législatives, appelle de ses voeux le projet de réforme soumis, qu’elle considère comme simple et le plus apte à répondre aux aspirations de la population.

L’autre minorité Addor propose de renvoyer le projet à la commission, en la chargeant de réglementer le double nom des conjoints selon la petite solution, soit peu ou prou la législation en vigueur avant 2013. Notre commission considère au contraire que le droit en vigueur avant 2013 ne pourra pas répondre aux attentes de nos contemporains, qui envisagent leurs liens familiaux comme pluriels et plus égalitaires, ce que confirment d’ailleurs toutes les auditions.

C’est pourquoi, au nom de notre commission, je vous invite à soutenir la solution inclusive proposée aujourd’hui et à rejeter les deux propositions de la minorité Addor, soit la non-entrée en matière et le renvoi en commission, car la solution proposée aujourd’hui, qui soutenue également par le Conseil fédéral, est la plus apte à répondre aux attentes très diverses et aux défis d’égalité, d’identité et de durabilité de cette révision. Elle se doit d’être en phase avec son temps et les réalités sociales.