La coopération internationale, gage de sécutiré et de stabilité pour la Suisse aussi
A la tribune du Conseil national, Nicolas Walder a défendu la Stratégie coopération internationale 2025-2028 de la Confédération en soulignant comment l’aide humanitaire et l’assistance au développement permettent à la Suisse non seulement de contribuer à sauver des vies et à stabiliser des régions, mais aussi de créer un environnement propice aux échanges commerciaux.
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La coopération internationale est au coeur de la politique étrangère de la Suisse, un petit pays qui joue pourtant, grâce à elle d’ailleurs, un rôle majeur sur la scène diplomatique mondiale. Elle est essentielle non seulement pour des raisons de solidarité, mais aussi pour garantir la stabilité et la sécurité à l’échelle internationale. C’est ainsi qu’à l’heure où la majorité de ce Parlement a les yeux rivés sur le renforcement de notre sécurité, avec l’augmentation programmée des budgets de l’armée, il serait bon de se rappeler que notre chère sécurité dépend aussi, largement, de l’ordre international, et que l’un des trois objectifs de notre armée, d’ailleurs, est justement de promouvoir la paix, car la paix n’est pas seulement un idéal, mais aussi une condition de la prospérité. Oui, Mesdames et Messieurs, un monde instable réduit les opportunités économiques pour la Suisse. Il n’est pas nécessaire d’évoquer ici l’impact sur nos chaînes d’approvisionnement de l’insécurité en mer Rouge, pour le rappeler.
Dans ce contexte, l’aide humanitaire et l’assistance au développement permettent à la Suisse non seulement de contribuer à sauver des vies et à stabiliser des régions, mais aussi de créer un environnement propice aux échanges commerciaux. En aidant les pays en développement à sortir de la pauvreté et à renforcer leurs institutions et infrastructures, elle crée de nouveaux marchés pour les produits suisses et garantit des partenariats durables. Même l’ancien président de la Confédération, l’UDC Ueli Maurer, l’avait compris lorsque, en 2021, il soulignait l’importance de la stabilité mondiale pour les intérêts économiques suisses, rappelant que « paix et prospérité vont de pair ». Il insistait alors sur la nécessité pour la Suisse de continuer à investir dans la diplomatie pour prévenir les conflits, car un monde sans paix compromettrait la croissance économique.
En somme, la coopération internationale est essentielle à la fois à la survie et à la dignité de millions de personnes, mais aussi à notre prospérité et notre sécurité. A l’heure où les crises se multiplient et où notre continent est en proie à une guerre d’invasion majeure, il serait pour les Verts totalement irresponsable de couper les moyens alloués à ce pilier essentiel de notre défense, de la promotion de la paix et de la stabilité. Ainsi, le groupe des Verts votera pour l’entrée en matière, car nous avons besoin d’une stratégie de coopération internationale solide pour les quatre prochaines années. En conséquence, nous rejetterons les propositions Rüegger de non-entrée en matière et de renvoi au Conseil fédéral.
D’une manière générale, nous soutiendrons en revanche toutes les propositions, de majorité comme de minorité, qui visent à renforcer les moyens alloués à la coopération internationale, ce qui est, comme je l’ai expliqué, dans l’intérêt direct de notre pays. Toutefois, j’aurai l’occasion de vous présenter nos positions plus en détail tout à l’heure.
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Comme déjà annoncé lors du débat d’entrée en matière, le groupe des Verts considère la coopération internationale comme un pilier indispensable de notre tradition humanitaire. Ainsi, alors que les crises et conflits se multiplient, nous jugeons comme totalement irresponsable la volonté d’une majorité bourgeoise de rompre avec cette tradition en réduisant les moyens alloués à cet outil de promotion de la paix et de stabilité, une stabilité qui se doit d’être globale et qui ne saurait se construire à coups de choix arbitraires en jetant notre dévolu sur quelques régions, mais qui doit l’être à travers un soutien équilibré et durable à l’ensemble des zones en crise.
De manière générale, nous considérons que la proposition initiale du Conseil fédéral, qui incluait des réductions des moyens, était déjà dommageable. En atteignant difficilement 0,43 pour cent du revenu national brut hors des coûts liés à l’asile, la Suisse reste toujours très en deçà des 0,7 pour cent que, comme d’autres pays, nous nous étions engagés à atteindre. Depuis, la proposition du Conseil fédéral a encore été revue à la baisse, puisqu’est désormais compris le soutien à l’Ukraine, dont l’entier des 1,5 milliard de francs est prélevé sur les budgets de la coopération internationale. Le groupe des Verts soutient pleinement cet indispensable engagement pour l’Ukraine. Plusieurs textes déposés par notre groupe depuis deux ans demandent précisément un soutien à hauteur de 5 milliards sur les prochaines années. C’est ce que propose le Conseil fédéral, et nous nous en réjouissons. Mais ce soutien aurait pu et dû faire l’objet de crédits extraordinaires, ou tout au moins être prioritairement prélevé sur les budgets de la défense et du SECO, étant donné qu’une part non négligeable de cette somme est destinée à la reconstruction de l’Ukraine, ou alors, comme le propose notre collègue Molina et comme l’appliquent d’autres Etats, par les rendements des fonds russes bloqués en Suisse.
En ce qui concerne les trois arrêtés fédéraux qui nous sont soumis, le groupe des Verts adoptera une approche cohérente. Il privilégiera les propositions de minorité proposant d’accepter des crédits basés sur les besoins effectifs. En cas de refus de ces crédits responsables, nous soutiendrons les propositions de minorité visant à revenir aux budgets initiaux du Conseil fédéral, avec les crédits pour l’Ukraine qui s’additionnent. Et en cas de nouveau refus, nous accepterons les propositions de la majorité de la Commission de politique extérieure (CPE) et du Conseil des Etats soutenant les nouvelles propositions du Conseil fédéral, qui sont loin d’être idéales, mais permettent au moins de préserver l’essentiel.
Il va de soi que nous rejetterons toutes les propositions des minorités Rüegger et Portmann visant à réduire encore davantage les enveloppes à disposition de la coopération internationale, autant de propositions qui, sous prétexte de financer l’un des trois piliers de notre défense, à savoir les forces armées, en démantèlent un autre; la promotion de la paix – une approche autant irresponsable qu’incohérente.
En ce qui concerne la volonté de conditionner la coopération au développement à la politique migratoire, nous estimons que ce lien est contre-productif. La Suisse ne peut pas et ne doit pas abandonner la coopération avec des populations qui auraient pour seul défaut d’être mal gouvernées. La coopération internationale n’est en effet pas là pour récompenser un gouvernement, mais agit comme un soutien à la société civile afin d’aider à faire évoluer ces pays vers plus de prospérité, de respect de l’état de droit et des droits humains. C’est pourquoi nous soutiendrons les propositions des minorités Fehlmann Rielle et II (Rumy), qui proposent de biffer ces mentions, et refuserons les propositions de minorité Rüegger et I (Rüegger) , qui exigent de lier explicitement l’aide au développement à un accord de réadmission.
En ce qui concerne la politique de la santé, le groupe des Verts considère les modifications apportées à la CPE comme très pertinentes. Nous nous opposerons donc aux propositions de minorité Haab dans les deux arrêtés et soutiendrons la proposition de minorité Friedl Claudia à l’article 1 alinéa 10 de l’arrêté 2, qui demande de mieux prendre en compte la lutte contre les violences psychologiques et sexuelles.
Nous soutiendrons aussi la majorité de la CPE, qui demande d’introduire une priorité pour l’éducation dans la stratégie. C’est un effort primordial, sachant que l’éducation est bien souvent la première à faire les frais quand survient une crise, comme celle du COVID-19 par exemple, alors qu’elle est la clé d’un développement inclusif.
Enfin, nous soutiendrons la proposition Bäumle, qui propose de ne pas réserver la reconstruction de l’Ukraine aux entreprises suisses, ce qui serait trop contraignant et peu efficace.
J’aimerais mentionner encore, au-delà de ces propositions de minorité, que les Verts s’inquiètent de certaines coupes envisagées par le Conseil fédéral pour les années à venir, comme la volonté de réduire de plus de 45 pour cent les partenariats stratégiques de la Direction du développement et de la coopération avec les institutions du domaine culturel, tel que le festival de Locarno, partenariats qui, depuis des décennies, ont permis de faire connaître des talents du Sud et ainsi de soutenir une industrie artistique créatrice d’emplois dans leurs pays.
La coopération internationale est le fruit de longues années d’investissement de la Suisse. Elle sauve des vies, assure sa bonne réputation, participe à façonner des liens avec des pays et ouvre ainsi des marchés pour nos PME. Enfin, elle contribue à la stabilité et la paix dans le monde, clés de notre sécurité. Alors, soyez raisonnables et ne tuez pas la poule aux oeufs d’or.