Le 21 novembre 2022, la majorité de la Commission de politique extérieure a décidé de soumettre à notre conseil, en plus de la déclaration adoptée la semaine passée, une motion chargeant le Conseil fédéral de prendre des mesures raisonnables et appropriées pour soutenir la société civile iranienne dans sa lutte pour les droits humains, en particulier ceux des femmes. Cette motion demande également au Conseil fédéral de reprendre entièrement les sanctions décidées par l’Union européenne contre les membres du régime en raison des violations des droits humains en Iran. La motion a été soutenue par 13 voix contre 8 et 2 abstentions.

La majorité de la commission considère que la Suisse doit faire davantage pour soutenir la société civile iranienne, qui lutte au quotidien pour ses droits et ses libertés. Le bilan de l’Iran en matière de droits humains est dramatique depuis de très nombreuses années. La répression sanglante qui sévit depuis septembre pour contrer les manifestations pacifiques, qui font suite à l’arrestation par la police des moeurs et à l’assassinat de Mahsa Amini, le rend plus évident encore: des centaines de tués, des milliers d’arrestations, des viols et des actes de tortures fréquents ainsi que des dizaines de manifestants pacifiques condamnés à mort, dont plusieurs ont d’ores et déjà été exécutés.

Un mandat n’est pas un bouclier

Le gouvernement Raïssi n’a pas du tout infléchi sa politique malgré les appels de la communauté internationale, y compris de la Suisse. C’est pourquoi, si la majorité de notre commission juge tout à fait adapté que la Suisse ait repris les sanctions de l’UE concernant la livraison de drones iraniens à la Russie, elle ne comprend pas la décision du Conseil fédéral de ne pas faire de même avec les autres sanctions adoptées par l’UE, alors que les droits humains sont largement violés en Iran.

Notre commission n’a pas été convaincue des arguments avancés par le Conseil fédéral en lien avec la préservation des mandats de puissance protectrice en Iran. La majorité de la commission considère que l’octroi de mandats de puissance protectrice ne peut pas justifier des traitements de faveur face aux crimes contre les droits humains. En clair, l’Iran ne doit en aucun cas considérer qu’un tel mandat l’autoriserait à ne pas respecter les droits humains et, donc, le droit international.

Enfin, la commission a souhaité tenir compte des appels de la société civile iranienne à la reprise de toutes les sanctions. Une telle démarche est très importante, car la Suisse reste en Iran une référence en matière de droits humains. C’est pour cela aussi que les félicitations du président de la Confédération pour le 44e anniversaire du régime des mollahs ou la présence au côté de dirigeants iraniens de notre ambassadrice portant le tchador ont suscité autant de réactions négatives.

Attentisme coupable

Face à une telle répression, notre posture trop attentiste consistant à ne pas adopter de sanctions et à maintenir des relations très étroites avec les autorités a pu être interprétée comme des soutiens au régime, y compris par les mollahs qui n’ont pas hésité d’ailleurs à l’utiliser dans leur propagande. En ce sens, la reprise de toutes les sanctions de l’Union européenne contre le régime des mollahs, comme l’autorise la loi sur les embargos, est une nécessité; cela clarifiera notre position également.

Une minorité de la commission considère, au contraire, que la Suisse doit rester totalement neutre face au drame iranien.
Si une partie de cette commission considère qu’il faut effectivement mieux soutenir les défenseurs des droits humains en Iran, elle estime à l’instar du Conseil fédéral qu’il ne faut pas reprendre les sanctions de l’Union européenne.

La majorité de notre commission, au contraire, considère que les bons offices sont un outil au service de la paix et du respect du droit international et non en but en soi. C’est pourquoi, au nom de la majorité de notre commission, je vous invite à soutenir les deux demandes de cette motion qui enverront un signal fort de solidarité à la population iranienne et amèneront plus de cohérence et de lisibilité dans notre politique extérieure.

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