Le texte de l’intervention:

Qui, dans cette enceinte, peut se dire contre la liberté et l’intégrité physique? Probablement personne. Et l’intitulé de cette initiative est d’autant plus séduisant pour celles et ceux qui, comme moi, ont toujours défendu les droits humains et la liberté des citoyens face aux abus des Etats et aux abus des grandes multinationales. Au-delà du titre, le texte qui nous est soumis possède même un vrai fond révolutionnaire à tendance anarchiste, assez intéressant d’ailleurs.

En effet, l’initiative ne propose pas moins que d’introduire dans la Constitution fédérale l’obligation, pour toute atteinte à l’intégrité physique ou psychique, d’obtenir le consentement préalable de la personne concernée. Et, en cas de refus, l’interdiction pour l’Etat de lui infliger une sanction ou des préjudices. Entendez qu’avec un tel texte, plus personne ne serait obligé d’accomplir son service militaire ou civil. Plus aucun migrant ne se verrait contraint par les autorités de laisser fouiller son téléphone portable. Plus aucun manifestant climatique ne pourrait être délogé contre sa volonté. De quoi faire rêver.

Malheureusement, nombre d’autres situations bien plus problématiques nous ramènent rapidement à la raison et à nos responsabilités face à cette initiative, car le texte va définitivement trop loin en ce sens que ces mêmes droits s’appliqueraient également aux hooligans, aux racistes et antisémites, aux violeurs et même aux terroristes. Imaginez un instant qu’un tueur en série ne puisse pas être arrêté. Le rêve se transformerait vite en cauchemar! C’est ainsi que, sous prétexte de préserver de manière absolue les libertés des individus, cette initiative mettrait en péril notre Etat de droit et rendrait le quotidien des Suisses plus qu’angoissant.

C’est pourquoi le groupe des Verts vous appelle à suivre la majorité de la commission ainsi que le Conseil fédéral en recommandant au peuple et aux cantons de rejeter cette initiative, et donc les minorités demandant son acceptation ou son renvoi en commission. Notre groupe vous recommande aussi de rejeter les minorités Schwander et Addor demandant de proposer un contre-projet – indirect ou direct – relativement éloigné du texte de l’initiative. Les auteurs de ces minorités, soit nos collègues de l’UDC, se sont justifiés en expliquant que la portée extrêmement large de cette initiative aurait échappé aux initiants et que leur vrai objectif ne concernait que « la vaccination ou tout autre procédé de biotechnologie médicale ». Mais comment être sûr que les quelque 125 000 personnes qui ont signé ce texte de portée très large l’auraient fait avec un champ d’application plus restreint? Oui, les milieux antivaccins ont lancé cette initiative, mais les signataires ont soutenu un texte qui ne parle pas de vaccins. Par ailleurs, un tel contre-projet poserait également de nombreux problèmes dans son application.

Même si, sur le fond, nous sommes sensibles aux appels à rester vigilants face à certaines dérives. Les lobbys pharmaceutiques et agroalimentaires, qui collaborent souvent très et trop étroitement, nous incitent à adopter des comportements qui ne contribuent pas à améliorer notre santé, bien au contraire. Les logiques lucratives et mercantiles qui poussent entre autres à la malbouffe et à la surmédication ont des conséquences dramatiques sur notre qualité de vie et sur les coûts de la santé. Ces logiques peuvent donc être contraires à l’intérêt général. C’est pourquoi en matière de santé également, il est sain de préserver une diversité d’approches et d’opinions. Cela offre un choix au patient et participe à faire progresser la médecine vers une prise en compte beaucoup plus globale de la santé.

Je suis donc aussi de l’avis que, même si l’on considère qu’un médicament ou un vaccin est dans l’intérêt d’une personne, il ne devrait pas lui être imposé, dans le respect des actuels articles 10 et 36 de notre Constitution fédérale. Toutefois, un vaccin, comme une thérapie médicale, sert non seulement à se protéger soi-même, mais aussi, en cas de maladie contagieuse, à protéger les autres. Par exemple, se soigner contre la tuberculose permet d’éviter que cette maladie se transmette à d’autres. Et qui dit que la Suisse ne sera pas touchée par la survenue d’une nouvelle pandémie ou d’un mal causé par les bouleversements climatiques et les dérèglements de la biodiversité?

Il paraît donc judicieux de pouvoir, dans certains cas, exiger du personnel soignant, de codétenus ou même d’enfants voulant venir à la crèche, de se faire vacciner ou soigner. C’est ainsi que, dans le domaine médical comme partout ailleurs, il existe une limite à la liberté individuelle qui s’appelle l’intérêt général. Là où sa propre liberté peut mettre en danger autrui, il est normal de la limiter. Chacun peut avoir son avis sur la gestion du COVID-19 et sur les décisions prises par le Conseil fédéral puis validées par le Parlement et le peuple, mais vouloir priver les autorités de tout moyen d’action contraignant en matière sanitaire relève de l’inconscience.
Les Vertes et les Verts, eux, considèrent au contraire que notre législation est aujourd’hui adéquate et adaptée en ce qu’elle garantit les libertés individuelles tout en prévoyant des exceptions afin de préserver l’intérêt général.

Dès lors, pour tenir compte de ce même intérêt général, il est de notre responsabilité de vous demander de rejeter, tout aussi résolument que l’initiative, les propositions des minorités Addor et Schwander, qui pourraient avoir des conséquences très négatives pour notre pays.