Sur la table du Conseil des États repose l’extension de l’accord de libre-échange négocié avec le Chili. Un accord qui, loin d’être une avancée, ressemble plus à une fuite en avant incontrôlée dont tout le monde sortira perdant: consommatrices et consommateurs, environnement et aussi paysannes et paysans. Il prévoit ainsi l’importation en franchise douanière de 2 millions de bouteilles de vin rouge chilien supplémentaires qui s’ajoute à d’autres déductions sur le vin mousseux et le vin doux.

Dans un contexte où la consommation de vin est en déclin en Suisse et où nos vigneronnes et vignerons peinent à maintenir à flot leurs exploitations, cet accord est non seulement une aberration, mais aussi un coup de poignard dans le dos de notre agriculture. C’est d’autant plus choquant quand on sait qu’il y a quelques mois, le parlement votait un budget de 8 millions de francs pour la promotion des vins suisses. Allez comprendre.

Cet accord n’est hélas pas un cas isolé. La même logique pousse notre conseiller fédéral Guy Parmelin à négocier aussi avec les pays du Mercosur un accord de libre-échange qui contribuera gravement à la déforestation et inclura, outre des cadeaux pour l’importation des vins argentins, une réduction des tarifs douaniers sur le bœuf brésilien, rendant ainsi ces produits encore plus compétitifs sur nos marchés. De la viande qui, soit dit en passant, provient d’élevages intensifs recourant à des pratiques interdites en Suisse, souvent irrespectueuses des animaux, de l’environnement et de la santé des consommatrices et consommateurs.

Comment justifier de tels coups bas envers nos agriculteurs? On nous parle toujours des impératifs d’exporter nos montres, bien sûr. Mais ce sont surtout nos multinationales pharmaceutiques qui bénéficieront de ces accords.

Celui avec le Chili en est un exemple flagrant. En échange des concessions citées, il impose à ce pays des règles bien plus strictes que celles négociées au sein de l’OMC. Plus précisément, il permet de prolonger de cinq ans la durée des brevets sur les médicaments et introduit des mesures sur l’exclusivité des données d’essai. Résultat? Le retard dans l’entrée sur le marché des génériques et une hausse prévisible des prix des médicaments limitera directement l’accès à la santé de millions de Chiliennes et de Chiliens.

Ce n’est pas le seul effet pervers: si le chapitre sur le commerce et le développement durable peut paraître rassurant, il sera dans les faits largement inopérant. Aucune mesure coercitive ne pourra être appliquée et aucune violation des engagements en matière de durabilité ne pourra entraîner des sanctions ou des recours. L’exportation de produits pourra donc continuer de se faire au détriment de la santé publique et de l’environnement.

Cela ne semble pas peser bien lourd aux yeux de notre Conseil fédéral qui est même prêt à compromettre l’avenir de notre agriculture locale. En optant pour un libéralisme débridé, qui ne profite qu’à une poignée de grandes entreprises, la Suisse s’enfonce dans une voie sans issue. Une politique économique qui oublie plusieurs de ses fondamentaux, dont la justice sociale et la durabilité, qui inclut notre sécurité alimentaire.

Nous devons remettre en question ces accords de libre-échange qui, loin de garantir un développement équitable, favorisent un modèle économique qui trahit nos agriculteurs tout en exacerbant les inégalités mondiales. Le sacrifice des exploitations agricoles suisses, des communautés du Sud et de l’environnement sur l’autel des profits à court terme n’est pas inéluctable.