Texte de l’intervention (rapport de minorité):

Ma minorité, qui reprend la position du Conseil des Etats, demande de ne pas renoncer à l’évaluation annuelle des mesures d’internement. C’est une question d’efficacité autant que de principe pour les personnes concernées. Oui, vue de très loin, la proposition du Conseil fédéral peut paraître sensée: après trois décisions négatives de libération conditionnelle, les évaluations de dangerosité n’auraient lieu que tous les 3 ans au lieu d’une expertise chaque année. Cela pourrait permettre d’économiser des évaluations qui sont souvent perçues comme inutiles et coûteuses, autant en argent qu’en temps.

Il est argué par le Conseil fédéral qu’une personne évaluée négativement durant 3 ans le sera quasi automatiquement la quatrième année, car si elle n’a pas fait de progrès en 3 ans, il y a peu de chances que cela survienne la quatrième année. Cet argument n’est pas convaincant, car la réponse négative à une demande de libération conditionnelle ne signifie aucunement que la personne n’a pas évolué positivement dans son comportement ou ses intentions de se remettre dans le droit chemin. Au contraire, dans la plupart des cas, des progrès ont été constatés, mais malheureusement pour la personne détenue, les experts considèrent que ceux-ci ne sont pas suffisants et, par conséquent, que la personne ne répond pas encore à toutes les conditions pour être libérée.

Il faut garder à l’esprit l’aspect psychologique que peut avoir le fait d’espacer les expertises en vue d’une libération. Pour une personne qui a montré des signes d’amélioration, mais pas suffisamment, la perspective de devoir attendre 3 ans pour sa prochaine évaluation peut avoir un effet ravageur sur la motivation à poursuivre ses efforts en vue d’une libération. Certes, elle peut demander une évaluation l’année suivante, mais le fait de devoir la demander sera largement perçu comme non légitime.

Ma proposition en faveur d’une évaluation annuelle découle également d’une question de principe. Une mesure d’internement n’est pas assimilable à une peine, mais bien à une mesure de sécurité visant à protéger la société, au même titre que la détention préventive. Il revient donc à la société d’évaluer année après année si la place de la personne est bien derrière les barreaux. Garder un individu en détention 3 ans sans réévaluer sa dangerosité, alors qu’il a déjà purgé sa peine, est inacceptable. Et ce n’est pas à la personne détenue de demander une faveur en quémandant une expertise annuelle.

Même si le Conseil fédéral prétend respecter les directives de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en ouvrant la possibilité pour la personne concernée de demander une évaluation, nous nous trouvons ici dans un retournement de la preuve qui n’a pas lieu d’être. Ce n’est pas à la personne détenue de demander une évaluation et de prouver qu’elle n’est plus dangereuse, mais à la société de prouver année après année qu’elle demeure une menace tangible et doit rester derrière les barreaux.

D’avance merci de soutenir ma proposition de minorité, qui, rappelons-le, reprend la position du Conseil des Etats, en faveur du maintien d’un contrôle annuel de dangerosité des détenus.