Pour une politique suisse de sanctions cohérente au Proche-Orient
Nicolas Walder défend devant le Conseil national sa motion demandant une application cohérente des sanctions envers tous les acteurs du conflit qui ont violé le droit international, seule boussole pour agir.
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Par ma présente motion, je demande simplement que la Suisse applique des décisions cohérentes et impartiales envers tous les acteurs du conflit israélo-palestinien afin que notre politique de neutralité gagne en lisibilité et en crédibilité. C’est dans ce but que je demande, comme l’autorise la loi sur les embargos, de reprendre des sanctions adoptées par l’ensemble de nos partenaires démocratiques à l’encontre des colons israéliens extrémistes coupables de très graves violations du droit international humanitaire, des violations que le Conseil fédéral lui-même reconnaît explicitement.
Dans son avis sur ma motion, il admet ainsi que les actes violents commis par ces colons à l’égard de civils palestiniens ont « atteint un record tragique en 2023, menant à la mort de plus de 400 Palestiniens, au déplacement forcé de plus d’un millier de civils et à la destruction d’infrastructures essentielles, parfois en toute impunité ». Le Conseil fédéral ajoute même que « cette situation compromet la sécurité en Cisjordanie ainsi que dans la région, et menace les perspectives d’une paix durable ». Conscients du risque majeur que constitue une telle menace sur la sécurité régionale, nos principaux partenaires démocratiques ont tous adopté un catalogue de sanctions contre ces colons extrémistes. L’Union européenne s’y est quant à elle ralliée le 19 avril dernier, à la demande expresse de l’Allemagne.
Même les Etats-Unis, inconditionnel soutien d’Israël s’il en est, considèrent que ces extrémistes représentent un risque et ne doivent pas rester impunis. Pourtant, du côté du Conseil fédéral, on se refuse à agir, bien que cela s’inscrive pleinement dans l’esprit de la loi sur les embargos qui, à son article 1, prévoit explicitement que l’on puisse reprendre les sanctions de nos principaux partenaires dans le but de faire respecter le droit international public, et en particulier les droits de l’homme. Ce refus est d’autant plus étonnant quand, en ce qui concerne les violations commises par des extrémistes palestiniens, la réaction a été on ne peut plus rapide et ferme, avec une condamnation sans appel des crimes indicibles commis par la branche armée du Hamas le 7 octobre 2023.
Aujourd’hui, le Conseil fédéral propose au Parlement une loi fédérale interdisant le Hamas et les soutiens qui pourraient lui être apportés – une loi qui va donc bien au-delà de l’adoption de sanctions économiques – bien que le Hamas reste, que ça nous plaise ou non, l’autorité qui gouverne les 2 millions de Gazaouis. Bien sûr, le Conseil fédéral dit appeler régulièrement Israël à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils palestiniens contre la violence des colons, et à veiller à ce que les responsables de ces actes soient traduits en justice. Mais ces appels restent lettre morte face à la fuite en avant du gouvernement Netanyahou, déjà responsable de plus de 41 000 morts, dont une large majorité de civils.
Devant l’inefficacité patente de cette politique trop conciliante et timorée vis-à-vis d’Israël, la Suisse ne devrait-elle pas faire preuve d’un peu plus de fermeté en adoptant les mêmes sanctions que nos principaux partenaires occidentaux? Cela aurait aussi l’avantage de renforcer notre crédibilité en matière de neutralité et d’impartialité, et de nous permettre d’envisager de jouer un rôle dans un futur processus de paix au Proche-Orient. Car, même si les crimes commis de part et d’autre ne doivent pas être comparés, la Suisse a le devoir d’être équitable dans ses positions. En ce sens, la politique de deux poids deux mesures menée par le Conseil fédéral dans le cadre du conflit israélo-palestinien entache fortement notre réputation. C’est pourquoi je suis convaincu que l’adoption par la Suisse de sanctions contre les colons extrémistes enverrait un signal bienvenu de cohérence de notre politique étrangère, rendant d’autant plus légitimes les mesures déjà en cours contre le Hamas.
A l’heure où nous célébrons les 75 ans des Conventions de Genève, dont notre pays est le dépositaire, et alors que notre pays s’apprête aussi à accueillir une conférence diplomatique sur l’application du droit international humanitaire, il serait de bon ton d’insister sur le caractère universel et inconditionnel qui les régit et qui nous oblige.
En reprenant ces sanctions, comme la loi sur les embargos nous y invite, notre pays enverra un message fort, rappelant judicieusement qu’une puissance occupante porte également la responsabilité de protéger la population occupée. A l’avenir, si la Suisse veut encore jouer un rôle dans l’indispensable recherche d’une solution durable au conflit israélo-palestinien, elle doit aujourd’hui démontrer que ses positions et ses décisions sont motivées par le seul et strict respect du droit international et non par une quelconque animosité envers l’un des deux camps.
C’est pourquoi je vous invite à soutenir cette motion, qui renforcera notre crédibilité de pays neutre attaché au scrupuleux respect du droit international par tous les acteurs, y compris les colons israéliens extrémistes.