>> Le texte de l’intervention de Nicolas Walder:

La semaine dernière, notre Conseil a heureusement voté en faveur de l’initiative parlementaire Molina 19.501, « Graves violations des droits de l’homme et corruption de politiciens de haut rang. Création d’une base légale permettant des sanctions ciblées », pour des sanctions ciblées à l’encontre de politiciens de haut rang auteurs de crimes contre l’humanité et de graves faits de corruption. Le groupe des Verts s’en réjouit, car il est important que notre pays se dote enfin de ce que d’autres ont appelé « Magnitsky Act », soit la possibilité de prendre des sanctions de façon autonome à l’encontre de personnes ou entités qui enfreignent gravement le droit international et en particulier les droits humains.

L’invasion russe en Ukraine nous montre d’ailleurs à quel point il aurait été plus efficace de limiter dès l’invasion de la Crimée notre coopération économique avec certains oligarques ou hauts responsables russes coupables d’atteintes aux droits humains depuis de nombreuses années déjà. Il est donc temps de donner une base légale pour offrir au Conseil fédéral une autonomie d’action en matière de coercition, par exemple à l’égard des politiciens de haut rang qui commettent des crimes contre l’humanité ou qui sont impliqués dans de graves affaires de corruption, et bien sûr de pouvoir le faire dans le respect du droit de la neutralité.

Logiquement donc, nous soutiendrons la révision de la loi sur les embargos qui nous est soumise. Car, comme cela a déjà été rappelé, la Suisse ne peut décider actuellement de mesures à l’encontre d’un Etat tiers que si celles-ci ont été préalablement édictées par l’ONU, l’OSCE ou par nos principaux partenaires économiques, uniquement jusqu’à présent l’Union européenne. C’est bien sûr trop limité. C’est pourquoi nous peinons d’ailleurs à comprendre le sens des oppositions à cette révision, sachant qu’elle vise avant tout à octroyer plus d’autonomie à la Suisse en matière de sanctions et à rendre cette loi pleinement compatible avec la Convention de La Haye de 1907 et le droit de la neutralité.

Dans le détail, le groupe des Verts rejettera la proposition de la minorité Nidegger à l’article 1 alinéa 1bis, car cette précision est inutile et risquée, sachant que, si le droit de la neutralité est suffisamment clair, la vision politique que nous avons de la neutralité est loin d’être homogène, vous avez pu vous en rendre compte lors du débat. Dès lors, l’interprétation d’une telle précision serait un véritable casse-tête pour le Conseil fédéral.

A l’alinéa 2bis, nous soutiendrons le projet du Conseil fédéral tel qu’amendé par le Conseil des Etats. Cet article permettra d’étendre les sanctions à d’autres Etats non concernés par les mesures adoptées par nos partenaires, si cela répond aux intérêts de la Suisse. L’objectif est de rendre les sanctions compatibles avec le droit de la neutralité lorsqu’elles touchent du matériel de guerre. A l’heure actuelle, pour respecter ce droit, le Conseil fédéral n’a d’autre choix que de s’appuyer sur l’article 184 alinéa 3 de la Constitution, qui l’autorise à adopter des ordonnances et à prendre les décisions nécessaires à la sauvegarde des intérêts de la Suisse. Il est donc tout à fait pertinent d’avoir proposé cet alinéa qui permettra d’ancrer dans la loi cette pratique.

Nous soutenons aussi la décision du Conseil des Etats, qui, très justement, a souhaité étendre cette possibilité à des personnes et à des entités, ouvrant la voie à offrir plus de marge de manoeuvre au Conseil fédéral. Il est à noter que nous rejetterons la minorité Portmann sur le même article 2b, qui entend, inutilement pour nous, restreindre son usage.

Le groupe des Verts soutiendra par contre pleinement l’introduction de l’alinéa 2ter visant à permettre à la Suisse de prendre de façon autonome des sanctions à l’encontre de particuliers et d’entités qui ont ordonné ou commis des violations du droit international humanitaire, des droits humains ou toute autre forme d’atrocité. Car même si certaines bases légales permettent déjà de prendre des sanctions répressives en cas de violation des droits humains, en définitive, elles ne sont que très peu efficaces aujourd’hui. Il est en effet plus que temps pour notre pays de se doter des outils juridiques adaptés lui permettant de prendre des mesures fortes et concrètes contre ces criminels. Il en va de la défense de nos valeurs, mais aussi de l’intérêt de notre pays, y compris de l’intérêt économique de notre pays. Nous rejetterons là aussi la minorité Nidegger.

En revanche, le groupe des Verts vous appelle à ne pas suivre le Conseil des Etats dans sa volonté d’introduire l’article 2a qui demande au Conseil fédéral de garantir qu’il n’y ait pas d’incidence négative particulière sur les entreprises suisses. Cette demande est tout bonnement contradictoire avec la prise de sanctions, d’autant plus de manière autonome. En effet, toute limitation d’échanges économiques ou de gel d’avoirs a des conséquences sur l’une ou l’autre des entreprises concernées et il en ira malheureusement toujours ainsi.

Prendre des sanctions pour faire respecter le droit international implique, Mesdames et Messieurs, dans certains cas de renoncer aux fruits du commerce avec des criminels. Cela ne doit pas être un frein à la prise de sanctions, c’est pourquoi nous soutiendrons pleinement la minorité Fischer Roland à l’article 2a.

Enfin, le groupe des Verts rejettera la minorité Portmann à l’article 2b, qui est administrativement lourde, superflue et anticipe trop sur les débats que nous aurons dès cet été sur les contours de notre neutralité.

D’une façon générale et comme déjà annoncé, le groupe des Verts est très satisfait du résultat tout à fait pertinent issu de notre commission et ne peut que vous inviter à faire bon accueil à cette révision.