>> Le texte de l’intervention de Nicolas Walder:

Le 7 avril 2022, notre Commission des affaires juridiques a décidé de déposer à une très large majorité la présente motion. Elle charge le Conseil fédéral d’adapter le code civil afin que tous les enfants conçus par procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger ou au moyen de don de sperme privé soient traités sur un pied d’égalité, et ce pour autant que la connaissance de l’ascendance soit garantie.

La réserve émise lors du vote sur le mariage pour tous, qui a limité la reconnaissance d’une filiation facilitée aux enfants conçus par PMA en Suisse, était effectivement liée à la connaissance du donneur et, donc, au lien biologique. Si cette réserve est compréhensible dans le cas de géniteurs inconnus, elle ne peut pas être invoquée dans les cas de procédures médicalement assistées ou de dons privés où le géniteur est connu et a formellement renoncé à son rôle de parent. Pa sa motion, la commission demande que dans ces cas le parent d’intention non biologique puisse bénéficier d’une reconnaissance immédiate. Cela permettrait de gommer une inégalité de traitement. Mais c’est aussi une démarche qui s’inscrit dans l’intérêt du couple et, surtout, dans celui de l’enfant et de sa sécurité juridique.

Concrètement, la motion charge le Conseil fédéral de modifier les dispositions légales de telle sorte qu’en matière de présomption de la parentalité, la disposition de l’article 255a du code civil soit étendue aux enfants de couples de personnes de même sexe qui ont été conçus par PMA à l’étranger ou au moyen de don de sperme privé et ce, je le répète, pour autant que la connaissance de l’ascendance soit garantie. A cette fin, il conviendra aussi de procéder à une inscription dans le registre des donneurs de sperme visée par les articles 24 de la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA) et 15 de l’ordonnance sur la procréation médicalement assistée, ou d’appliquer une procédure équivalente.

La très large majorité de notre commission, qui s’est exprimée par 18 voix contre 4 et 1 abstention, considère qu’il y a lieu aujourd’hui de modifier rapidement les dispositions légales à cette fin, et a donc décidé de déposer cette motion. Car, aujourd’hui, l’article 255a du code civil adopté dans le cadre du mariage pour tous prévoit une limitation de la coparentalité pour les couples mariés de même sexe. Ce n’est que dans le cas de don de sperme officiel effectué en Suisse conformément à la LPMA que les deux parents sont reconnus comme parents légaux dès la naissance de l’enfant. Ainsi, les enfants conçus selon des méthodes de PMA à l’étranger ou de don de sperme privé restent mal protégés sur le plan juridique. Les parents doivent en effet passer par une procédure d’adoption longue et coûteuse. Et pourtant, même dans ces familles la sécurité juridique de l’enfant est d’une importance capitale et devrait pour nous être une priorité.

Grâce à la coparentalité d’un couple marié de même sexe, l’enfant aura deux parents dès sa naissance et il bénéficiera ainsi d’une sécurité juridique et affective optimale. L’adoption de l’enfant du conjoint ne constitue pas une alternative satisfaisante aujourd’hui. Elle prend souvent beaucoup trop de temps et elle ne se justifie pas. En cas de don de sperme privé, il faut, dans l’intérêt de l’enfant, éviter que le donneur ne devienne le père légal contre sa volonté. Cela pourrait amener à une situation terrible pour l’enfant en cas de décès prématuré de la mère biologique. Pour ce qui est des couples mariés hétérosexuels, ces questions ne se posent pas dans la majorité des cas, car le mari de la mère est reconnu comme père, indépendamment d’ailleurs de la conception de l’enfant.

Notre commission est aussi pleinement d’avis qu’il est dans l’intérêt de l’enfant de pouvoir connaître ses origines. C’est pourquoi elle considère que cette motion pourrait créer des incitations à l’endroit des parents d’intention à renoncer au don de sperme anonyme. Nous pensons que cela devrait conduire plus de parents à choisir des filières officielles et transparentes, permettant de garantir le droit des enfants à connaître leurs origines.

Une minorité de notre commission a considéré, comme pour l’objet précédent sur la facilitation de l’adoption de l’enfant du conjoint, qu’il était préférable de s’appuyer sur la motion Caroni 22.3235, « Dépoussiérer le droit de l’établissement de la filiation », avant d’entreprendre une modification de notre législation, d’autant plus qu’il serait opportun d’évaluer avec un certain recul les conséquences de l’adoption du mariage pour tous. Certains, dans cette minorité, étaient déjà opposés à l’adoption du mariage pour toutes et tous et à l’accès à la PMA pour les couples de même sexe. Par cohérence, ils refusent d’accorder toute facilitation aux familles arc-en-ciel. Pour la majorité de notre commission, cette motion n’affecte aucunement les questions de filiation, sachant qu’elles ne concerne que des enfants dont les géniteurs sont connus. Lorsque le père biologique de l’enfant ne sera pas officiellement connu, les couples devront toujours, comme c’est le cas aujourd’hui, passer par la procédure d’adoption. Dès lors, cette motion ne fait que demander plus de sécurité et de sérénité pour les enfants et les parents, sans affecter le droit des enfants à connaître leurs origines.

Pour toutes ces raisons et parce que la sécurité juridique de tous les enfants doit être notre priorité et qu’il est de notre devoir d’éliminer toutes les discriminations inutiles dans nos textes de lois, la majorité de notre Commission des affaires juridiques vous invite à soutenir cette motion.