Selon le rapport « Environnement Suisse 2022 » du Conseil fédéral, deux tiers de notre charge environnementale globale sont générés à l’étranger, et cette part est en augmentation constante depuis le début du siècle. Par ailleurs, si cette charge environnementale de la Suisse a baissé de 13 pour cent depuis 2000, elle devrait encore être réduite de deux tiers pour atteindre un niveau supportable pour la nature; un défi titanesque.
C’est dire si, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, voire idéalement en 2040, il est impératif d’agir concrètement et rapidement non seulement en Suisse, mais aussi et surtout sur nos importations. Malheureusement, en dépit de la place centrale qu’occupent les importations en matière de charge environnementale, nous constatons toujours l’absence, en Suisse, d’une stratégie globale permettant de faire baisser suffisamment et rapidement l’empreinte carbone générée à l’étranger.

A cette absence de stratégie s’ajoute le manque de cohérence de différentes politiques menées par le Conseil fédéral. D’une part, des politiques environnementales qui appellent à la réduction de notre empreinte carbone et à la préservation de la biodiversité. D’autre part, des politiques économiques qui visent la croissance des échanges internationaux et de la consommation, le plus souvent sans égard pour les impacts environnementaux. C’est ainsi que les accords de libre-échange se multiplient avec, comme objectif avoué, l’augmentation des échanges internationaux. Dans une situation de consommation déjà très élevée en Suisse, cela revient à renforcer notre dépendance à l’étranger et à tourner encore plus notre économie vers l’exportation.

Failles

Par ailleurs, si la question de la durabilité a été largement discutée dans le cadre des derniers accords de libre-échange, peu d’avancées concrètes ont vu le jour. Un chapitre sur la durabilité a certes été intégré aux nouveaux accords, mais il reste peu contraignant. Et si l’accord avec l’Indonésie, par exemple, comprend une exigence de certification pour l’huile de palme importée dans les quotas bénéficiant d’avantages douaniers, cette possibilité reste très peu utilisée, si l’on en croit un premier bilan de l’année 2022.

Enfin, de l’aveu même du conseiller fédéral responsable du département, ces conditions ne sont que très difficilement reproductibles, en raison de l’absence d’un système cohérent de certification pour les autres produits.

Il se trouve que si nos secteurs économiques sont soumis, en Suisse, à des règles toujours plus contraignantes, et on s’en réjouit, il n’en va pas ainsi dans de nombreux pays. Et ces pays aux réglementations plus laxistes que la nôtre en matière environnementale – ou gangrénés par la corruption – sont souvent ceux judicieusement choisis par des entreprises multinationales, en raison justement des possibilités de marges bénéficiaires supérieures qu’ils offrent.

Le postulat qui vous est soumis charge donc le Conseil fédéral de présenter un rapport complet, exposant les différents objectifs, orientations et actions qu’il entend mener afin d’avoir un impact concret et rapide sur la réduction de notre empreinte carbone générée à l’étranger. Il ne vise aucunement à discriminer les importations, mais simplement à mener une réflexion globale, afin de développer une stratégie cohérente répondant à la problématique suivante: comment mettre en place un cadre pour les importations, qui permette de réduire efficacement notre empreinte carbone et ainsi éviter de faire peser l’entier de la responsabilité de la transition sur les entreprises établies en Suisse?

Réglementations incontournables

Il est entre autres proposé d’étudier dans ce rapport certains axes comme la réduction de la consommation de produits importés au bilan carbone particulièrement négatif, la réduction – là où cela fait sens – des distances entre producteurs et consommateurs, l’accroissement de la part de produits durables ou encore le développement des circuits permettant d’étendre la durée de vie des biens. Il va sans dire que ces axes ne sont que des exemples, et que d’autres orientations peuvent être prises en compte, à l’instar du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières du pacte vert européen, qui vise à compenser les biais créés par des législations environnementales peu scrupuleuses.

Se pencher sur l’impact environnemental de nos importations est important si l’on entend faire adhérer notre population et nos PME établies en Suisse aux réglementations contraignantes que notre pays devra nécessairement adopter pour atteindre ses objectifs climatiques. L’acceptation de ces mesures dépendra de la perception de l’équité qu’en auront les acteurs. Le rapport demandé par le biais de mon postulat participera, à l’évidence, à renforcer la transparence et donc la confiance envers les propositions du Conseil fédéral.

D’avance, je vous remercie de votre soutien.