Texte de l’intervention:

Conformément à l’article 10 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur les mesures économiques extérieures, notre commission a été saisie du rapport du Conseil fédéral sur la politique économique extérieure 2023. Notre commission a pris acte de ce rapport et a soutenu à l’unanimité l’adoption de l’arrêté fédéral portant approbation des mesures tarifaires prises en 2023. Même si certains membres ont regretté que les éventuels effets négatifs de nos politiques économiques n’aient pas été exposés dans ce compte rendu, la commission a été unanime pour saluer la qualité de ce rapport détaillé et complet qui relate très fidèlement l’environnement, les orientations et les défis de la politique économique extérieure menée en 2023 par la Confédération.

Le constat général est que même si les indicateurs économiques restent très positifs pour notre pays, 2023 a été une nouvelle fois une année périlleuse pour l’économie suisse. La Suisse est aujourd’hui encore l’une des économies les plus innovantes et les plus compétitives au monde, ce dont nous pouvons nous réjouir. Toutefois, le rapport aborde très justement l’augmentation des tensions politiques à travers le monde et les tentations de repli nationaliste et protectionniste. La guerre en Ukraine, les tensions en mer de Chine et la crise maritime en mer Rouge montrent clairement à quel point les événements géopolitiques peuvent influer rapidement sur les chaînes internationales de création de valeur. La situation mondiale instable et les activités de plus en plus hostiles à l’Occident de certains gouvernements autocratiques amènent aussi la plupart des Etats démocratiques à repenser et à réorienter leurs relations économiques.

Les stratégies, qui étaient jusqu’à présent axées quasi exclusivement sur des perspectives de croissance du PIB à court terme, sont partout revues afin d’intégrer les questions sécuritaires, voire de durabilité ou de respect des droits humains. Dans ce contexte, de nombreux pays réévaluent leurs interdépendances et travaillent avec volontarisme afin de diversifier leurs chaînes d’approvisionnement et les relocaliser.

Parmi ces pays, nous trouvons nos plus grands partenaires, avec l’Union européenne et les Etats-Unis en tête. Ils ont ainsi adopté des politiques industrielles ambitieuses et n’hésitent pas à rapatrier certains secteurs économiques critiques en matière de sécurité. Ces plans, qui incluent d’importants programmes de subventions, se nomment « Green Deal Industrial Plan » pour l’Union européenne ou « Inflation Reduction Act » pour les Etats-Unis.

Cette situation particulière a conduit notre chambre à accepter en juin dernier le postulat 23.3013, « Rapport complémentaire à la stratégie de la politique économique extérieure », proposé par notre commission. Cette dernière demande au Conseil fédéral un rapport complémentaire examinant les conséquences et opportunités pour notre pays de ces deux plans industriels ambitieux. Ce complément n’ayant pas pu être intégré au présent rapport, la discussion sur l’importance ou non de développer en Suisse également une stratégie industrielle nationale se poursuivra ultérieurement au sein de notre commission.

Il s’agit d’une question centrale, sachant que l’environnement évolue dans une logique de blocs et qu’il sera de plus en plus difficile, pour un petit pays comme la Suisse, de naviguer sans réorienter ses objectifs. Pourra-t-il encore longtemps s’appuyer uniquement sur ses conditions-cadres afin de rester la 20e puissance économique de la planète ou sera-t-il plus inspiré de se rapprocher des démocraties libérales? Une chose est sûre: notre politique économique extérieure doit désormais, en Suisse aussi, tenir compte des enjeux sécuritaires et environnementaux.

En ce sens, et cela a été largement salué, le développement durable et l’Agnda 2030 ont été pris en compte dans ce rapport, même si certains ont regretté qu’ils ne soient pas abordés de manière plus transversale.

L’augmentation des contingents tarifaires partiels a suscité quelques inquiétudes chez certains membres de la commission quant à son possible effet sur l’indépendance de nos agriculteurs vis-à-vis des fournisseurs de semences, en particulier pour les pommes de terre et le blé. Plusieurs voix ont encore évoqué l’aide à l’Ukraine et déploré qu’elle ne fasse pas l’objet d’une enveloppe budgétaire extraordinaire.

Par ailleurs, il a été rappelé l’importance pour notre pays de travailler rapidement à une reprise du cadre européen sur la diligence des entreprises instauré par la loi sur la chaîne d’approvisionnement.

A propos d’Europe, le peu de proactivité du Conseil fédéral a été pointé du doigt: la Suisse ne devrait pas attendre la fin d’un processus législatif européen pour s’inquiéter des conséquences d’une nouvelle loi pour notre pays. Gageons que l’adoption du mandat de négociation avec l’Union européenne, qui, soit dit en passant, est crucial pour notre économie, soit aussi un signe d’évolution à ce sujet.

En conclusion, sachant qu’il ne s’agit pas ici d’une stratégie, mais d’un rapport qui se doit d’être un compte rendu fidèle de l’action de l’année écoulée, c’est à l’unanimité que notre commission vous propose, comme le Conseil des Etats lundi, d’en prendre acte et d’adopter l’arrêté fédéral portant approbation des mesures tarifaires prises en 2023.