Texte de l’intervention de Nicolas Walder (pour la Commission):

En date du 13 novembre 2023, notre Commission de politique extérieure s’est longuement penchée sur les tragiques évènements au Proche-Orient, un mois après l’attaque sauvage et sanglante du Hamas et alors que la riposte très meurtrière du gouvernement israélien se poursuit. La situation dans cette région, où le droit international humanitaire est largement bafoué, est aussi dramatique que catastrophique, et aucune amélioration sensible et durable ne semble envisageable à court terme. Dans ce contexte international de tension extrême aux niveaux tant politique qu’humanitaire et sanitaire, notre commission a élaboré le postulat qui vous est soumis aujourd’hui chargeant le Conseil fédéral d’examiner, dans un rapport, les mesures permettant de faire face aux conséquences de l’augmentation de l’antisémitisme en Suisse sur sa politique extérieure.

Autant vous le dire d’emblée, c’est à l’unanimité que ce texte a été approuvé en commission. Un tel soutien exprime la détermination de lutter partout contre ce fléau qu’est l’antisémitisme. Il exprime aussi la nécessité, d’une part, d’anticiper les conséquences sur la réputation de notre pays de la hausse des actes et des propos visant les communautés juives en Suisse et, d’autre part, de lutter contre les influences étrangères hostiles qui utilisent l’antisémitisme pour porter atteinte à la cohésion sociale et aux institutions démocratiques dans notre pays. Ces ingérences sont en effet de plus en plus fréquentes en Europe. C’est ce que la France a récemment découvert à ses dépens avec de multiples tags antisémites dans les rues de Paris, vraisemblablement orchestrés par la Russie.

Notre commission est d’autant plus préoccupée que notre pays n’est épargné ni par les ingérences de pays hostiles ni par l’antisémitisme, comme l’a tragiquement rappelé samedi encore l’agression d’un Juif orthodoxe à Zurich. Trop souvent encore des actions à caractère antisémite et le manque de moyens des autorités pour les sanctionner ont pu affecter l’image de notre pays. Souvenons-nous par exemple des costumes du Ku Klux Klan au carnaval de Schwyz en 2019 ou de la diffusion de thèses conspirationnistes antisémites à travers des mouvements « antivax » durant la crise du COVID-19, ou encore des symboles et slogans nostalgiques du Troisième Reich que certains groupuscules d’extrême droite n’hésitent pas à arborer dans notre pays, ces mêmes symboles que notre Commission des affaires juridiques demande justement d’interdire dans l’espace public, via son initiative parlementaire 23.400, « Interdiction par une loi spéciale de l’utilisation en public de symboles nazis ». De tels actes peuvent affecter durablement notre image et la crédibilité de la Suisse sur la scène internationale.

En plus, depuis le 7 octobre 2023 et l’extension du conflit israélo-palestinien, nous subissons un nouvel activisme antisémite, qui inquiète notre commission.

Certes, la lutte contre l’antisémitisme est une tâche de politique intérieure. Par sa motion 23.4335, qui nous sera soumise ce jeudi, la Commission des institutions politiques demande, justement, au Conseil fédéral d’élaborer un plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme en Suisse. Mais si notre Commission de politique extérieure s’est emparée de ce dossier, c’est qu’elle est d’avis que la hausse de l’antisémitisme en Suisse a des liens avec notre politique extérieure. Elle souhaite, d’une part, que soient anticipées les conséquences possibles d’une montée des actes antisémites en Suisse et, d’autre part, que nous prenions des mesures pour nous protéger contre les ingérences étrangères utilisant les actes et propos antisémites dans le but de mettre à mal notre système démocratique.

Au vu de la situation politique internationale, il y a tout lieu de craindre que ce type d’actions ainsi que les flux financiers étrangers en faveur d’organismes et de personnes antisémites augmentent. Dans ce combat, notre pays, démocratique, neutre, dépositaire des Conventions de Genève et hôte d’innombrables organisations internationales en faveur de la paix et du respect des droits humains, a un rôle particulier à jouer.

Le Conseil fédéral lui-même se dit conscient du risque et des conséquences qu’une montée de l’antisémitisme dans notre pays pourrait avoir sur notre politique extérieure et sur la réputation de la Suisse. C’est pourquoi, à l’unanimité, notre commission a considéré que, face à ce risque non négligeable – encore exacerbé par la crise toujours aiguë au Proche-Orient -, il était judicieux de demander un rapport qui offrira à notre Parlement les informations lui permettant d’agir en connaissance de cause et d’en tenir compte dans sa politique étrangère.

Je vous invite donc à suivre notre commission et à accepter ce postulat.