Nicolas Walder a défendu le 15 mars 2022 devant le Conseil national son postulat demandant que la Suisse établisse un rapport proposant des pistes pour concilier les pratiques du Fonds monétaire international (FMI) avec les prescriptions de traités environnementaux ou en matière de droits humains que la Suisse a signés.

Le postulat qui nous est soumis a un objectif très simple, un rapport proposant des pistes pour concilier les pratiques du Fonds monétaire international (FMI) avec les prescriptions de traités environnementaux internationaux, sociaux ou en matière de droits humains que la Suisse a signés. Le rapport sera ainsi l’occasion d’évaluer la pertinence de revoir le système de gouvernance, par exemple en attribuant les droits de vote de manière plus démocratique, ou encore d’étudier des demandes insistantes d’ONG telles que l’effacement des dettes octroyé aux pays les plus pauvres ou une pondération en faveur d’objectifs environnementaux et sociaux sur les plans d’ajustement structurels. Ce rapport est d’autant plus nécessaire que depuis que le Conseil fédéral a livré son avis sur ce postulat en septembre 2020, la situation économique de nombreux pays s’est dramatiquement détériorée avec la pandémie de Covid-19 et aujourd’hui avec l’éclatement de la guerre en Ukraine.

Dramatiques conséquences

Il est vrai que le FMI participe de façon satisfaisante à la stabilité monétaire internationale. Cette institution permet également de répondre adéquatement aux besoins urgents de capitaux de nombreux Etats. Malheureusement, les pratiques du FMI ont montré historiquement une incapacité à assurer un développement harmonieux des pays emprunteurs les plus pauvres et endettés, et les préconisations du consensus de Washington ont entraîné les conséquences environnementales et sociales les plus dramatiques. Il en va ainsi par exemple d’exigences du FMI envers des pays en développement d’Afrique subsaharienne qui auraient contribué à accroître les exportations de denrées alimentaires tout en bloquant les réformes de terres agricoles. Elles seraient ainsi en partie responsables de l’aggravation de la pauvreté, des flux migratoires vers les villes et de l’émigration. Autant d’éléments cumulés à des situations d’extrême instabilité qui affectent directement la capacité de ces pays à répondre aux enjeux en matière de droits humains et sociaux, ainsi qu’à tenir leurs engagements en matière de protection du climat et de la biodiversité.

En se focalisant excessivement sur des plans d’ajustement structurels incluant prioritairement privatisation et libéralisation, le FMI pousse de nombreux pays dans la spirale vicieuse de l’endettement et de la dépendance permanente. Le service de la dette augmentant et leurs recettes diminuant en raison des privatisations, ils recourent à de nombreux emprunts uniquement pour assurer le service de la dette et les prestations de base à la population, cela aux dépens des nécessaires réformes environnementales et sociales. Dans ce contexte, la Suisse, neuvième contributeur du FMI et acteur influent tant au Conseil d’administration qu’au Conseil des ministres, doit pouvoir y insuffler une dynamique plus durable et responsable afin que les traités en matière d’environnement et de droits humains que nous avons signés ne soient pas rendus systématiquement inopérants par une application trop doctrinaire par les institutions de Bretton Woods des théories économiques très court-termistes.

Inégalités criantes

Plus largement, les nécessaires réformes du FMI sont aussi bloquées par des inégalités criantes en matière de gouvernance. Depuis sa création, la structure de prise de décision au sein du FMI bénéficie aux Etats-Unis, qui conservent de fait un droit de veto, sachant qu’une décision requiert 85 pour cent des voix. Malgré une révision en 2016 en faveur de quelques Etats émergents, les pays les plus pauvres n’ont toujours quasiment pas voix au chapitre. Le Bangladesh avec ses 165 millions d’habitants ne dispose par exemple que de 0,22 pour cent des droits de vote, soit presque six fois moins que la Suisse avec 8 millions d’habitants.
A l’heure où la situation des droits humains ne cesse de se détériorer, à l’heure où la redistribution des richesses est en panne, à l’heure où sept ans après les Accords de Paris nous n’avons pas encore réussi à mettre en oeuvre le moindre début de transition écologique, revoir les orientations et priorités des grandes organisations économiques internationales devrait être un impératif si l’on entend faire face de manière cohérente aux urgences sociales et environnementales. C’est devant l’inadéquation des orientations des organisations héritées de Bretton Woods avec les enjeux du XXIe siècle qu’il appartient à ses membres, dont la Suisse, de réorienter ces institutions vers des politiques répondant pleinement aux enjeux majeurs qui nous attendent.

Je vous invite par conséquent à soutenir ce postulat, qui permettra d’évaluer ces politiques afin que la Suisse puisse contribuer activement à rendre le FMI plus efficace dans ses missions.

>> Les arguments du conseiller fédéral Ueli Maurer:

 

>> Résultat du vote du 15 mars 2022 au Conseil national: le postulat est rejeté par 109 voix contre 84.

>> Voir l’ensemble des mes interventions au Parlement fédéral ici