>> Le texte de l’intervention de Nicolas Walder:

Le 7 avril 2022, notre Commission des affaires juridiques a décidé de déposer la présente motion qui demande de lever les obstacles inutiles à l’adoption de l’enfant du conjoint afin d’apporter plus de sécurité juridique aux enfants et de sérénité aux parents. Dans le détail, cette motion demande deux choses biens précises au Conseil fédéral. Premièrement, de modifier les dispositions légales de telle sorte que, en cas d’adoption de l’enfant du conjoint, la condition portant sur le fait d’avoir fourni des soins à l’enfant pendant au moins une année soit supprimée et cela uniquement si le parent biologique constitue, à la naissance de l’enfant, une communauté de vie effective avec la per- sonne souhaitant adopter et fait ménage commun avec elle. Deuxièmement, il est demandé au Conseil fédéral d’examiner quelles autres conditions pourraient être supprimées ou allégées afin de faciliter ce processus.

Aujourd’hui, avec la réglementation adoptée par les chambres dans le cadre du mariage pour tous, l’épouse de la mère biologique ne sera reconnue comme mère légale de l’enfant que si l’enfant a été conçu en Suisse avec un don de sperme officiel, conformément aux dispositions de la loi sur la procréation médicalement assistée. Dans tous les autres cas, notamment en cas de procédure de procréation médicalement assistée à l’étranger ainsi qu’en cas de conception par don privé en Suisse ou à l’étranger, le parent non biologique doit passer par une procédure d’adoption conformément à l’article 264c du code civil. Cette procédure longue et coûteuse, qui touche aussi de nombreux couples hétérosexuels, et qui présuppose entre autres de justifier d’avoir pris soin de l’enfant durant un an au minimum, apparaît comme disproportionnée.

Par ailleurs, ce temps d’attente et cette procédure ne sont ni dans l’intérêt des parents ni dans celui de l’enfant, car durant cette longue période d’au moins deux ans au total, ce dernier sera insuffisamment protégé, n’ayant qu’un seul parent légal. Cette période d’insécurité juridique inutilement longue peut avoir des conséquences dramatiques pour l’enfant, dans le cas par exemple du décès du parent biologique, ou en matière de succession dans le cas du décès du parent non biologique.

C’est pourquoi notre commission, par 21 voix contre 2 et 1 abstention, vous recommande de soutenir cette motion.

Une très faible minorité de la commission considère que cette motion n’est pas opportune et qu’il conviendrait plutôt d’attendre les conclusions de la motion 22.3235 du conseiller aux Etats Caroni, avant de procéder à des adaptations. Celle-ci charge le Conseil fédéral d’élaborer des bases juridiques pour un droit d’établissement de la filiation répondant aux besoins actuels.

La majorité de notre commission ne partage pas cette position, estimant qu’il n’est pas opportun d’attendre avant de modifier notre législation. Il est urgent de renforcer la sécurité juridique de ces enfants et aucun argument ne justifie de maintenir plus longtemps ces barrières à leur sécurité et à celle de leurs familles. Par ailleurs, la motion Caroni est en cours de traitement et son aboutissement n’est aujourd’hui aucunement garanti.

Enfin, de l’aveu même de l’administration, les procédures d’adoption facilitées, enjeu de cette motion, ne sont pas directement liées aux questions de filiation et peuvent donc être parfaitement traitées séparément. C’est pourquoi, dans l’intérêt des enfants, pour leur sécurité juridique et la sérénité des parents, je vous invite, au nom de l’écrasante majorité de notre commission, à soutenir cette motion.